[Bordeaux] Le topic des Vainqueurs de la Coupe de la Ligue

Laurent BLANC (entraîneur de Bordeaux) : « Les matches contre les équipes amateurs sont toujours très difficiles. L’important est d’éviter de figurer dans les surprises. On y est arrivés, c’est le principal. Quevilly a égalisé sur un coup de pied arrêté. On avait pourtant prévu cela et travaillé ce point. Mais je pense que, sur l’ensemble des occasions du match, Bordeaux méritait de s’imposer. »

Ulrich RAMÉ (capitaine de Bordeaux) : « Les Normands ont bien résisté puis ont joué leur va-tout. C’est vrai qu’ils ont eu des occasions, mais nous en avons eu aussi en nombre et nous avons su nous montrer plus réalistes. »

Cavenaghi a tout changé

L’efficacité retrouvée de l’Argentin a modifié la hiérarchie entre les attaquants girondins.

Fernando Cavenaghi a renoué avec une vieille habitude mercredi soir. Il a pris place sur le banc, à Anderlecht (1-2, en 16es de finale aller de la Coupe de l’UEFA). L’Argentin n’y était plus habitué. Après avoir vécu une année 2007 noire, il a profité de l’an nouveau pour retrouver son efficacité de River Plate (sept buts depuis janvier). Conclusion de Jussiê : « Depuis la reprise, Fernando s’est imposé comme l’attaquant no 1. »
Cela a, par ricochet, bouleversé la hiérarchie des attaquants. Dans son esprit, Blanc en possède quatre : Bellion, Cavenaghi, Chamakh et Jussiê. En théorie, on peut rajouter Obertan et Saivet. « Mais, pour l’instant, Obertan reste un joueur de couloir, a tranché son entraîneur. Je lui prévois une grande carrière dans l’axe, quand il aura trouvé le goût du but, chose la plus jouissive dans le football. » Quant à Saivet, un Sénégalais dont Blanc pense le plus grand bien, son âge (dix-sept ans) incite à la prudence. Il s’est, pour l’instant, contenté de deux apparitions sur le banc (en L 1).
Lequel des quatre autres s’y assoira désormais ? Jusqu’à l’avènement de Cavenaghi, la distribution des rôles se voulait simple : Bellion se consacrait au Championnat, Cavenaghi aux Coupes. Sur les vingt et un joueurs utilisés en L 1, l’ancien Niçois est le seul à avoir participé aux vingt-quatre journées (23 titularisations). Il n’est entré qu’une fois en Coupe de l’UEFA (à Vienne, contre l’Austria, 2-1). Tout le contraire de Cavenaghi, qui n’a raté que l’anecdotique virée européenne à Panionios (2-1). Bordeaux était déjà qualifié.

Chamakh : « Très chaud pour reprendre une place »

Mais le départ de Chamakh à la CAN et la douleur persistante aux adducteurs de Jussiê ont poussé Blanc à le faire débuter également en L 1. Et Cavenaghi a su saisir sa chance. Constat de Chamakh : « Ça va être très chaud pour reprendre une place. »
En 2007, il la partageait avec Jussiê. Si leur entraîneur assure ne pas veiller à leur offrir le même temps de jeu, ils ont joué à peu près autant l’un que l’autre (toutes compétitions confondues). La similitude s’arrête là. Car l’athlétique Marocain est le seul à pouvoir servir de point d’ancrage au coeur des défenses. Ce rôle obscur lui permet de faire oublier qu’il est le moins buteur des quatre et de rester un élément clé dans le dispositif de Blanc.
L’inconstant Brésilien a pour lui la polyvalence. Il peut évoluer en pointe ou soulager Micoud, en soutien des deux attaquants. Mais il ne semble plus être un premier choix dans l’esprit de Blanc. Son ticket gagnant se compose désormais de Bellion et Cavenaghi. « Dans la technicité, chacun possède sa façon de faire et de se positionner, note Ramé. Mais il s’agit de deux vrais finisseurs. Si Fernando a des gestes plus parlants, ceux de David sont très efficaces. »
Les chiffres le confirment : les Girondins possédaient le plus fort ratio tirs/buts au soir de la 23e journée (18,5 %, devant Lyon, 16,6 %). Avec Lorient, Bordeaux tire pourtant le moins au but (184 fois, donc 77 cadrés). Autrement dit, quand les artificiers de la deuxième meilleure attaque de L1 (trente-sept buts inscrits par douze joueurs) cadrent, ils marquent une fois sur deux.
L’explosion de Cavenaghi, davantage joueur de surface que le véloce Bellion, peut aussi s’apprécier au regard d’un autre chiffre : Bordeaux a marqué seulement neuf buts en dehors de la surface. C’est dire si le style de jeu girondin convient à l’Argentin : « Avoir des amis dans l’équipe m’aide aussi. » Alonso confirme : « Je m’entends un peu mieux avec lui car on se connaît et on se parle en espagnol. »
Blanc a validé sa nouvelle hiérarchie des attaquants en titularisant la paire Bellion-Cavenaghi devant Metz (3-0), en L 1 (sa priorité), et celle composée de Chamakh et Jussiê à Anderlecht en Coupe de l’UEFA (son ambition secondaire). Comment Jussiê gère-t-il sa perte de statut ? « Bien, on gagne. Il faut penser au club, à ce que demande le coach. Pas à prendre la place du copain. Après, il ne faut pas non plus s’habituer à ne plus beaucoup jouer. » Le bouleversant Cavenaghi s’y est refusé avec succès.

LAURENT BLANC, l’entraîneur bordelais, se satisfait pleinement d’être dans la roue de Lyon. En espérant sans doute secrètement ne pas s’arrêter en si bon chemin.

« Un match à savourer »

C’est évidemment un Laurent Blanc détendu qui s’est installé hier en salle de presse après la correction infligée à Monaco, qui laisse à penser que l’hégémonie lyonnaise sur la L 1 pourrait être menacée cette saison. Mais le novice entraîneur bordelais n’est pas du genre à aller plus vite que la musique et tente de damer tout risque d’emballement.

– Comment avez-vous apprécié la seconde période de vos joueurs ?
– Six buts en quarante-cinq minutes, ça fait un but toutes les huit minutes. C’est bien. La première mi-temps a été assez équilibrée, mais notre prestation en seconde a été de grande qualité. On a été meilleurs au niveau foot que Monaco et face à dix, c’est plus facile. La clé du match, c’est l’ouverture du score. C’est un scénario quasiment parfait et évidemment très efficace au niveau offensif. Je retiens les buts mais aussi leur construction. Et dire que j’avais reproché à mes joueurs d’avoir été un peu insuffisants dans ce domaine à Anderlecht (1-2, 16e de finale aller de la Coupe de l’UEFA)… Là, on a lié du bon foot à de la finition, je félicite mes joueurs. C’est un match à savourer.

– Vous voilà clairement en position de jouer le titre…
– Ce soir (hier), oui. J’espère que ce sera le cas après le mois de mars et après le mois d’avril, on verra. Là, on frappe un bon coup. Avant le match, on connaissait les résultats de la veille, et on s’aperçoit qu’ils nous sont favorables, puisque le premier et le troisième ont perdu et que le quatrième a réalisé un nul. Donc, je ne pouvais que dire aux joueurs qu’ils avaient tout à gagner. Ce qui s’est produit. Après, notre ligne directrice reste la même : engranger les points, mettre nos poursuivants à distance raisonnable et essayer de voir devant.

– Votre discours est empreint d’une certaine prudence. C’est tout de même un succès marquant…
– Oui, 6-0, c’est le cas. C’est sûr que ça marque psychologiquement les équipes adverses. C’est un avantage non palpable mais intéressant pour la suite du Championnat. Mais ce n’est qu’un match, tout sera remis en question lors du suivant.

– Quel commentaire vous inspire le fait d’être pratiquement à la hauteur de Lyon aux deux tiers du Championnat ?
– C’est déjà bien, c’est une belle performance, car on était habitués les saisons précédentes à ce que Lyon soit devant avec quasiment un nombre de points insurmontable à rattraper. Donc, on réalise une bonne performance avec un nombre de points satisfaisant. Lyon a aussi moins de points car il domine moins son sujet, mais reste une grande équipe. Mais plus on chassera derrière, plus on aura de chances de rattraper celui de devant.

– Vous sentez-vous dans une meilleure dynamique que l’OL ?
– Sur le moment, oui. On vient de gagner et eux de perdre. Après, les échéances européennes arrivent. Je souhaite que Lyon se qualifie en Ligue des champions, et Bordeaux aussi en UEFA, même si c’est un marathon. On doit essayer de retourner le score contre Anderlecht. Il va falloir se remobiliser, se reconcentrer, et on saura si on a deux matches de plus à jouer dans le courant d’un mois de mars déjà chargé.

TRIAUD APPUIE BLANC.

– Évidemment déçu de l’élimination par Anderlecht, le président des Girondins, Jean-Louis Triaud, a fait les comptes. « Sur ce tour, on ne peut avoir que des regrets. À l’aller comme au retour, puisque les buts sont venus d’erreurs évitables. Il est sûr également que, financièrement, c’est regrettable, car c’est bien le match suivant qui était intéressant. » Avec la venue du Bayern Munich, Bordeaux aurait en effet rempli son stade – ce qui n’a jamais été le cas cette saison en Coupe d’Europe – et négocié des droits télé en conséquence. « Je tiens pourtant à dire que j’approuve totalement les choix de Laurent Blanc, qui sont les bons. On ne va pas hypothéquer une saison, ni prendre des risques avec des joueurs, avec le calendrier impressionnant qui nous attend. Sans oublier les nombreux blessés que l’on avait. On dit que gouverner, c’est prévoir, et bien entraîner, c’est aussi prévoir », a conclu le président.

Obertan prend son temps

Révélation bordelaise l’an passé, le jeune attaquant (19 ans depuis mardi) tarde à s’imposer cette année.


Pour un peu, les badauds du Haillan le croiraient malheureux. À la différence de la saison passée, Gabriel Obertan n’affiche plus un sourire insouciant. Il est vrai que son statut a changé. La saison dernière fut celle de sa révélation. Celle en cours doit être celle de sa confirmation. « J’ai plus de responsabilités cette année, acquiesce le réservé Bordelais, passé pro alors qu’il n’avait même pas dix-sept ans. Je dois davantage prouver en moins de temps. Ça a été un peu difficile à gérer au départ. Après, on s’y fait. »
Non sans mal. Cette progression nécessaire a coïncidé avec un changement d’entraîneur. Couvé par Ricardo hier, il est aujourd’hui un joueur comme les autres aux yeux de Blanc. De plus, ce fan d’Henry se trouve orphelin de Darcheville et de Mavuba dans le vestiaire girondin. Différence de générations oblige, sa jeunesse l’isole forcément un peu, dans ce groupe expérimenté. « “Darch” et Rio m’avaient pris sous leur aile, confie-t-il. Ils ne sont plus là pour me chaperonner. »
Marius Trésor sait ce que cela signifie pour lui. « C’était extra pour Gaby, de pouvoir compter sur eux, surtout dans ce milieu, observe l’adjoint de Patrick Battiston en CFA. Si Jean, le père de Youri Djorkaeff, ne m’avait pas pris à part pour me parler et me rassurer à mon arrivée en équipe de France, je serais peut-être complètement passé au travers de ma première sélection. »

Blanc : « Lâchez-le ! »

Obertan ne rate pas sa saison. Elle s’avère juste un peu plus compliquée que prévu. Il le concède volontiers : « Mon bilan est mitigé. Je ne perds pas de temps. Mais au regard de la saison passée, où tout est allé très vite pour moi, ma carrière ralentit un peu, cette année. Je n’ai pas eu besoin de digérer mes débuts car je sais que tout va très vite dans le football. J’ai peut-être juste retrouvé le rythme normal d’un jeune. »
Son nouvel entraîneur le pense : « Lâchez-le ! ordonne Blanc. L’an passé, on attendait tellement de lui qu’il n’a disputé qu’un match comme titulaire. Il joue davantage, cette saison. Nous sommes tous d’accord pour lui reconnaître, comme à d’autres d’ailleurs, un gros potentiel. Il mérite qu’on lui accorde du temps et qu’on le laisse comprendre certaines choses. Ben Arfa et Benzema ont répondu tout de suite. Lui, il a besoin d’un peu plus de temps. On l’encouragera toujours. N’oubliez pas qu’il vient tout juste de fêter ses dix-neuf ans (le 26 février). »
La génération Menez, Nasri, à laquelle appartiennent aussi les deux Lyonnais, compte deux ans de plus que lui.
Cela n’empêche pas Obertan de se montrer impatient. Les techniciens se révèlent souvent nonchalants. Ce n’est pas le cas de ce surdoué, capable de jouer sur un côté, dans l’axe ou en soutien des deux attaquants. Son souci de la perfection l’amène même parfois à déjouer.
« Ce trait de caractère me bloque, reconnaît ce puriste. Je ne suis pas découragé. Je suis trop exigeant envers moi-même. C’est très rare quand je suis satisfait de moi. Ça m’énerve de ne pas réussir tout ce dont je suis capable. Je ne m’apitoie pas sur mon sort quand je rate un dribble ou une passe, mais je me prends la tête. Je dois encore me convaincre que ce n’est pas la fin du monde de louper une action. Je dois corriger ça depuis que je suis entré dans le cycle pour devenir professionnel. Il faut vraiment que je passe ce cap mental. »
Quand il y parviendra, Obertan reprendra sa marche en avant. Elle le conduira à son tour vers les sommets.

Wendel buteur providentiel

Le Brésilien a fait oublier la panne d’efficacité de Bellion et de Cavenaghi en réussissant un triplé devant le Paris-SG (3-0).

Bordeaux est reparti du bon pied grâce à Wendel dimanche soir. Ou, pour être plus précis, de la bonne chaussure. « Il en avait récemment changé pour des bleues, lors d’un tennis-ballon, raconte Blanc. Je lui ai demandé en plaisantant pourquoi il ne gardait pas ses rouges, vu la moitié de saison qu’il venait de réussir avec. C’est la mode, les chaussures de couleur. À mon époque, il n’y avait que des noires. Du coup, il a remis les bonnes. Les rouges… »
Les Girondins sont décidément passés maîtres dans l’art de trouver chaussure à leurs pieds. Comme Fernando, Wendel était quasiment inconnu en Europe quand Ricardo l’a fait venir. Un an et demi après, il ne cesse d’épater. Quel que soit le coloris choisi pour les habiller, Geraldo Wendel possède des pieds en or. Le gauche, surtout, avec lequel il a marqué neuf de ses onze buts cette saison (dont neuf en L 1). « J’en suis à onze ? s’étonne le Brésilien, désormais deuxième meilleur buteur des Girondins (à égalité avec Bellion et derrière Cavenaghi). Ah bon… C’est vrai. J’ai oublié de compter mes deux buts dans les Coupes. » Deux buts qui n’ont rien d’anecdotique. Le premier, marqué sur penalty à la 88e minute d’Austria Vienne-Bordeaux, avait offert la victoire en Coupe de l’UEFA (2-1). Quant à son coup franc devant Le Mans, il fut synonyme de qualification pour les huitièmes de finale de la Coupe de France (1-0). « Marquer dix buts, c’était mon objectif, reprend-il. J’avais dit que je voulais être plus décisif. J’avais déjà réalisé une bonne première saison, alors que j’avais enchaîné Championnat au Brésil, puis à Bordeaux sans coupure. Là, il reste douze matches. C’est dire si je peux encore marquer. »

« Ma meilleure saison »

La réussite de Wendel tombe bien. Bellion ne marque plus et Cavenaghi s’est tu depuis deux matches. Voir le Brésilien les suppléer ne manque toutefois pas d’étonner. Malgré sa polyvalence, Wendel est le joueur possédant le profil le plus défensif parmi les cinq éléments du bloc offensif. Pourtant, il marque autant ou plus que les attaquants, Cavenaghi excepté. Pourquoi ? « Parce que c’est vraiment un truc que je veux réussir, répond-il. Alors, tous les jours, je reste un peu plus à l’entraînement pour travailler devant le but. Je dois garder cet état d’esprit. »
Les efforts ont payé. Wendel est le seul Bordelais à avoir réussi deux triplés cette saison. Son premier, il l’avait signé lors du deux millième match des Girondins en Ligue 1, devant Toulouse (4-3, le 2 décembre dernier). Face à Paris, il a élargi son registre devant la cage. Connu pour sa précision sur les coups francs, Wendel l’est désormais aussi pour son jeu de tête. Après avoir inscrit ses deux premiers buts sur des frappes du gauche (dont la première chronométrée à 94 km/h) dimanche, il a marqué le troisième d’un coup de tête digne de celui de Basile Boli devant le Paris-SG en 1993. « C’est mon préféré, confie-t-il. Ça m’est venu comme ça. Je n’ai pas hésité, car j’avais senti que la balle était très forte. Si je la contrôle, elle perd de la puissance et un défenseur peut aussi revenir. Je me sens bien dans cette équipe. Les idées de jeu du coach me conviennent. La Seleçao ? Oui, j’y pense un peu, même s’il y a beaucoup de bons joueurs devant moi. Mais pourquoi pas ? À mon poste, je réalise une très bonne saison, non ? Il s’agit même de ma meilleure saison de footballeur. »
Mavuba partage son avis. Au point que le néo-Lillois est reparti avec le maillot de Wendel lors de son grand retour à Chaban-Delmas, le 24 février. « D’abord, parce qu’il est sympa, explique son ancien équipier. Ensuite, parce qu’il m’impressionne par son jeu, ses progrès et la place qu’il a prise dans l’équipe. Pour moi, c’est le meilleur Bordelais cette saison. »
Wendel aimerait maintenant voir Bordeaux devenir la meilleure équipe du Championnat. Cela passe par un résultat à Gerland dimanche. « Car, prévient-il, si Lyon nous bat, ce sera son septième titre de champion. Dans le cas contraire, tout sera différent. On aura alors une chance. » Quelle que soit la couleur de ses chaussures, Wendel saura la saisir au bond.