[Arbitrage français] polémique sur polémique

Thiriez repart à l’assaut

Avec le soutien de la Fédération, le président de la Ligue veut s’attaquer à l’arbitrage d’élite.

LA « TASK FORCE »

Lancée la semaine dernière, la « task force » sur l’arbitrage professionnel réunira toutes les deux semaines, à partir du 26 mars, les patrons respectifs de la Fédération française (FFF) et de la Ligue du football professionnel (LFP), Jean-Pierre Escalettes et Frédéric Thiriez, Gérard Houllier, le directeur technique national, mais aussi des présidents de club, un représentant des joueurs et un autre des entraîneurs, des journalistes, des dirigeants de la FFF, ainsi que Marc Batta, le directeur national de l’arbitrage. Cette cellule sera-t-elle plus efficace que le conseil supérieur de l’arbitrage, dont plus personne n’entend parler ?

Frédéric THIRIEZ : « C’est un signal fort. La “task force” sera force de proposition au conseil fédéral, la seule autorité concernant les problèmes d’arbitrage. L’ouverture vers les autres familles est fondamentale. L’arbitrage n’est pas une discipline à part. D’où cette volonté d’associer les dirigeants, les entraîneurs, les arbitres, les joueurs et la presse. Comme toutes les corporations en difficulté, les arbitres ont eu tendance à se refermer sur eux-mêmes, alors qu’il faut s’ouvrir. Tout le monde doit aider l’arbitrage, avec deux principes : l’ouverture et le volontarisme, qui consiste à refuser la fatalité de l’erreur. A-t-on déjà entendu un garde des Sceaux dire que l’erreur judiciaire faisait partie de la justice ? Je ne supporte plus d’entendre ceci : “Les erreurs d’arbitrage font partie du jeu.” L’arbitre doit être irréprochable. Tout homme peut se tromper. Mais, en tant que dirigeants, notre devoir, ce n’est pas de nous réfugier derrière l’erreur humaine mais de donner aux arbitres les moyens d’éviter ces erreurs. Elles ne sont pas plus nombreuses qu’avant. En revanche, elles sont de plus en plus visibles et de moins en moins acceptées par le public. »

LES RÉFORMES

À écouter Thiriez, la «task force» devrait rapidement proposer au conseil fédéral d’entériner des réformes concernant l’arbitrage d’élite. Attachés au système actuel, les arbitres l’entendront-ils de cette oreille ? L’été dernier, ils avaient manifesté leur mécontentement quand Thiriez avait annoncé la nomination de leur ancien collègue, Claude Colombo, au poste de conseiller. Sur ce dossier sensible, le président de la Ligue a désormais un allié de poids : Jean-Pierre Escalettes, son homologue de la Fédération.

Frédéric Thiriez : « Il va falloir arriver à la professionnalisation intégrale des arbitres de L 1. Il y a ensuite la réforme du système d’évaluation des arbitres, qui pose problème, et leur formation. On insiste beaucoup sur leur condition physique, l’apprentissage de l’anglais. Il y a sans doute d’autres aspects à renforcer. Les formations doivent peut-être être davantage individualisées et plus axées sur la psychologie et la communication. Les échanges internationaux d’arbitres sont une nécessité absolue : il faut que nos arbitres aillent arbitrer en Angleterre ou en Espagne et que les Espagnols et les Anglais viennent arbitrer en France. Les ligues européennes sont unanimes sur ce point. La question de la limite d’âge doit également être posée. Pourquoi laisser partir un bon arbitre de quarante-cinq ans s’il est apte physiquement ? Enfin, on a un problème avec les assistants, sur les hors-jeu notamment. Il faut peut-être revoir la façon de les recruter. On peut réussir car avec Jean-Pierre Escalettes notre volonté politique est très forte. À partir du moment où la volonté est partagée, ça doit avancer. Des choses vont changer pour la saison prochaine. »

LA VIDÉO

Thiriez est au moins d’accord sur un sujet avec les arbitres : celui de la vidéo. Le 8 mars, l’International Board a douché leurs espoirs en gelant toutes les expériences technologiques sur les terrains.

Frédéric THIRIEZ : « Cette décision est confondante. C’est comme si le conseil de l’Ordre des médecins interdisait le recours à l’échographie au prétexte que la médecine doit rester humaine. L’arbitrage doit rester humain, évidemment. Mais l’arbitrage de rugby est-il inhumain depuis que la vidéo aide à déterminer si l’essai est valable ou pas ? L’arbitrage du rugby est beaucoup plus humain et, en tout cas, beaucoup plus serein, accepté et respecté. Vérifier si un ballon a franchi la ligne de but, ça prend 12 secondes. La vidéo, c’est l’éternelle querelle des anciens et des modernes. Les anciens ont le pouvoir mais il faut rester optimiste : dans l’histoire, les modernes ont toujours gagné. C’est juste une question de temps. On en perd beaucoup et c’est très dommage pour le football. Nous avons obligation de bouger. L’immobilisme peut conduire au discrédit de l’arbitrage et, par-là même, au déclin du football. »