[News] Anciens olympiens

Alexandre Arcady n’a pas (encore) filmé la vie de Jean Fernandez. Pourtant, les tribulations de l’entraîneur pied-noir d’Auxerre, né à Mostaganem (Algérie) en 1954, ne sont pas sans rappeler la saga des Narboni, la famille vedette du film le Coup de sirocco. Comme Roger Hanin et les siens, Fernandez s’est posé sur les rivages de la Méditerranée à son retour d’Algérie. C’est là que l’épopée a commencé.
« Quand je suis revenu en France, après l’indépendance, à Cers, un petit village près de Béziers, j’ai immédiatement joué au football, avoue celui dont l’accent trahit encore les origines. À Béziers, l’entraîneur s’appelait Jo Bonnel, un ancien de l’OM. C’est lui qui m’a signalé à Marseille, en 1975, en affirmant qu’il possédait un international juniors susceptible d’intégrer le centre de formation. Dans ces années là, l’OM représentait tout pour moi. À Béziers, on ne parlait que de ses succès, de ses titres avec Skoblar et Magnusson. Cela faisait rêver tous les gamins. »
De 1975 à 1980, Fernandez passe, en tant que joueur (milieu défensif, 142 matches), cinq années fabuleuses sur la Canebière. « J’ai appris à connaître la ville, les Marseillais et leur ferveur. Moi, je suis pied-noir, de Mostaganem, une petite ville côtière près d’Oran. À Marseille, avec le soleil, la mer, j’ai retrouvé toute une communauté de rapatriés d’Algérie qui m’a bien aidé à m’intégrer. Tout était réuni pour que je m’épanouisse. Il y a dans cette cité une passion que tu ne retrouves nulle part ailleurs. Dès mon plus jeune âge, j’ai eu l’OM dans la peau. J’y ai éprouvé des sensations que je n’ai ressenties nulle part ailleurs, comme la victoire en Coupe de France en 1976. »

« J’ai encore beaucoup d’habitudes là-bas »

Mais c’est en tant qu’entraîneur, de 1991 à 1993 tout d’abord, que Fernandez se révèle, comme adjoint de Goethals, puis d’Ivic. « J’y ai également rencontré Beckenbauer, une personnalité très marquée. Puis Tapie m’a donné les responsabilités de l’équipe première. Un moment fort, même si cela n’a duré que six mois. L’OM, à l’époque, c’était la meilleure équipe du Championnat, l’une des meilleures en Europe. Quand j’y suis retourné en 2005-2006, c’était aussi particulier. On a gagné l’Intertoto, joué la finale de la Coupe de France (1-2 contre le PSG) et, à un quart d’heure près, on aurait pu se retrouver en Ligue des champions. J’en suis parti pour des raisons personnelles, mais l’OM, cela restera toujours un club à part. D’ailleurs, quand je reviens dans cette ville, les gens m’y accueillent encore avec beaucoup de chaleur. J’ai encore beaucoup d’habitudes là-bas. »
Aujourd’hui, le Marseille actuel l’impressionne. « Gerets y fait du bon travail. À l’heure actuelle, c’est l’équipe qui joue le mieux au football. Nous allons certainement éprouver de grosses difficultés. » Et quand on évoque un possible retour, un jour, sur le Vieux-Port, Jean Fernandez se retient bien de démentir. Et conclut : « Tout peut arriver dans ce métier de fou… »

« Ce n’est pas ma faute… »

FRANCK rib€ry, la star française du Bayern Munich, accueille sa notoriété avec humilité, presque en s’excusant.

– Comment réagissez-vous à l’énorme engouement actuel autour de vous en Allemagne ?
– Je le vis normalement. J’essaie de ne pas faire trop attention à ça. Je sais qu’on parle de moi et qu’on dit beaucoup de bonnes choses. J’essaie de rester concentré.

– Mais, dans les médias allemands notamment, ça prend des proportions incroyables…
– Je suis arrivé en boulet de canon. Je n’ai pas arrêté de faire des bonnes choses. C’est important de bien gérer tout ça. Mais je préfère qu’on parle comme ça de moi plutôt que d’être en marge.

– Quand vous vous voyez en Napoléon à la une des journaux et que Kahn vous compare à Zidane, ça vous fait quoi ?
– C’est encore un cran au-dessus. Ça fait plaisir qu’Oliver Kahn dise ça. C’est quand même une référence.

– Avez-vous déjà connu un tel engouement ?
– Un peu à Marseille. Mais, ici, c’est encore complètement différent. Ici, c’est Marseille puissance 10, c’est plus fort, plus puissant.

– On suppose que vous ne pouvez plus vous promener tranquille en ville…
– Au contraire. Dans la rue, les gens sont vraiment calmes. Ils me reconnaissent, ils sont très respectueux, ils m’abordent gentiment. Ça, ça me change de Marseille, où je ne pouvais pas sortir. À Munich, ce n’est pas un problème. C’était bien aussi à Marseille, mais moins calme.

– On ne risque pas de se sentir dépassé par le phénomène ?
– J’essaie de rester le même, de blaguer, de rigoler, de ne pas changer ma façon de jouer et de vivre. C’est comme ça que j’ai toujours évolué, progressé. Je ne vais pas changer.

– En êtes-vous sûr ?
– Non. J’y pense souvent. Je suis conscient de ce qui m’arrive, de ce que j’entends autour de moi. Donc, je me remets toujours en cause. Je travaille énormément.

– Votre vie quotidienne a-t-elle changé ?
– Non, rien. Je suis toujours le même. Il y a de plus en plus de sollicitations de la presse, des sponsors, mais il y a des personnes autour de moi qui gèrent tout ça.

– Tout cela était-il prévisible à votre arrivée en Allemagne ?
– Franchement, je ne pensais pas que ça allait se passer comme ça. Je savais qu’avec mes qualités, et si les gens me mettaient à l’aise ici, j’allais faire de bonnes choses.

– Que ressentez-vous ?
– De la fierté, c’est comme une récompense. Je suis heureux. Je savoure tout.

– Arrivez-vous à garder du détachement ?
– Oui, je ne me mets pas de pression. On fait un beau métier, on gagne bien notre vie. Il y a tant de gens qui galèrent…

– Le regard de vos coéquipiers a-t-il changé ?
– Non, Je ne pense pas. Tout le monde est pareil. Si je suis partout dans les médias, ce n’est pas de ma faute. Avec les joueurs, ça se passe super bien. Ils sont contents, je n’ai rien ressenti de bizarre, pas de jalousie.

– Est-ce en raison de votre humilité ?
– Je m’en fous de tout ça. Ça me fait rire.

– Mais cela ne vous flatte-t-il pas quand Uli Hoeness, qui est quand même le manager du club depuis 1979, évoque le “FC Ribéry” en parlant du Bayern ?
– (Il éclate de rire.) Mais c’est fou, non ? C’est dingue. Je rigole. Je prends ça avec du recul. Mais, quand même, ça me flatte.

– Avez-vous déjà évoqué votre avenir avec lui ?
– Je n’y pense pas. Jusqu’à maintenant, on n’en a pas discuté. C’est vrai que le sujet peut devenir d’actualité. Après la saison, il y aura l’Euro. Il peut se passer beaucoup de choses.

– Vous sentez-vous dans la forme de votre vie ?
– Je trouve que j’ai mûri, que j’ai encore progressé, franchi des étapes en venant ici. J’ai le sentiment de réaliser encore mieux les choses que je savais faire avant.

– 2008, ce sera l’année rib€ry ?
– Si je reste à ce niveau jusqu’à la fin de l’année avec le Bayern et si je fais un bon Euro, ça peut effectivement devenir une grande année.

– Au point de décrocher le Ballon d’Or ? Vous y pensez ?
– J’y pense. Le Ballon d’Or, c’est un rêve. C’est quelque chose que je vais essayer d’avoir. Je vais tout faire pour le gagner un jour. J’y pense vraiment.

– Ce n’est pas si fréquent de se dévoiler ainsi dans votre milieu. C’est dit franchement…
– Je suis un joueur qui veut tout gagner si c’est possible, même le Ballon d’Or. J’ai toujours été ambitieux et ça devient de plus en plus fort.

– Cela dit, vous n’avez pas toujours été titulaire ces derniers temps. Comment cela se passe-til ? En accord avec Ottmar Hitzfeld, votre entraîneur ?
– On discute beaucoup ensemble. Parfois, je parle avec lui une demi-heure lors des mises au vert, avec une interprète ou Daniel (Van Buyten). On se met d’accord. On prend les décisions ensemble.

– Le départ de Hitzfeld à la fin de la saison vous attriste-t-il ?
– Oui, c’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup. On aura eu de bons rapports. Il y a un petit truc entre nous. On va essayer de gagner des titres pour lui, les trois (Championnat, Coupe d’Allemagne et Coupe de l’UEFA) si c’est possible.

– Avez-vous le sentiment que les défenseurs ont durci leur jeu à votre encontre ?
– S’ils sont plus durs ? En tout cas, ils ont peut-être un peu plus peur. Chaque fois que j’ai le ballon, je ressens une motivation supplémentaire chez eux. Je sens qu’ils n’ont pas envie que je les passe, que je les dribble. Ils s’y mettent à plusieurs. Ça, je l’ai remarqué.

– Que vous suggère Hitzfeld sur le terrain ? Vous demande-t-il de défendre aussi ?
– Il me laisse libre, il me demande simplement de me replacer au milieu. Il ne va pas me demander de jouer carrément arrière gauche ! Mais c’est rare que des arrières droits montent contre nous. Ils sont plus occupés à défendre qu’à attaquer.

– Cela change-t-il par rapport à l’équipe de France, à part le fait que vous jouez le plus souvent à droite chez les Bleus ?
– Pas vraiment. Lors du dernier match que j’ai joué (en Ukraine, 2-2), j’avais discuté avec Raymond Domenech. J’avais un rôle libre, également, et le sélectionneur me demandait simplement de me replacer à la perte du ballon, c’est tout. Lors des derniers matches avec les Bleus, les consignes ont beaucoup ressemblé à celles que je reçois au Bayern.

– Pour revenir sur la comparaison avec Zidane, rêvez-vous d’un rôle équivalent ?
– Je l’espère. Surtout si je peux avoir la même carrière que lui.

– Pensez-vous pouvoir devenir son égal ?
– Je ferai tout pour cela. Jusqu’à maintenant, je suis content de moi. Je suis encore loin de Zidane mais j’ai encore beaucoup d’années devant moi.

– Estimez-vous avoir acquis un nouveau statut chez les Bleus ?
– Je vais continuer à y aller en cherchant à donner le maximum à chaque fois. Dans le jeu, je suis quelqu’un qui adore bouger, demander le ballon. Ça s’est bien passé les dernières fois, ça a marché.

– Pensez-vous conserver cet état de forme jusqu’à l’Euro ?
– Ce que je fais là, il faut que je le réalise aussi à l’Euro. C’est aussi important que le Championnat. C’est une compétition que j’ai envie de gagner. Mais il y aura beaucoup de matches avec le Bayern d’ici là. Il faudra bien gérer.

– Pourtant, vous ne vous économisez toujours pas sur un terrain. Vous aviez pourtant promis…
– Je n’y arrive pas, je n’y arrive toujours pas. Ce n’est vraiment pas dans ma nature. Le jour où je le fais, c’est que je suis K.-O.

– Qu’est-ce qui pourrait empêcher le Bayern d’être champion ?
– Nous-mêmes. Si on n’est pas champions, ce sera de notre faute, pas celle des autres équipes.

– Après quelques mois de pratique, quelles sont les différences notables entre la Bundesliga et la L 1 ?
– Il y a plus de buts en Allemagne. Le jeu est plus ouvert, les équipes aiment attaquer. Il y a plus d’espaces. C’est moins fermé qu’en France. J’aime bien.

– Vous vous sentez mieux en Bundesliga ?
– Pour moi, c’est mieux. Et tous les stades sont beaux, remplis.

– La Bundesliga est-elle plus forte que la L 1 ?
– Des équipes comme Hambourg, Schalke 04, Leverkusen, le Werder Brême et Stuttgart sont de très bonnes équipes. En France, il y a deux ou trois équipes et, derrière, elles sont toutes au même niveau.

– Conseilleriez-vous aux autres footballeurs français de venir en Allemagne ?
– Bien sûr, dès qu’ils ont la possibilité. Il ne faut pas hésiter.

– Mais, quant à vous, un retour en France serait-il possible ?
– Franchement, non. Je ne me vois plus évoluer dans un club français.

– Même à Lyon ?
– Même à Lyon. Je ne pense pas retourner en France. Ici, tout est trop bien organisé, structuré. Il n’y a pas photo. Tu ne t’occupes de rien. Les dirigeants du Bayern m’ont trouvé ma maison Si j’ai besoin de quoi que ce soit, ils arrivent. Parfois même, tu as l’impression qu’ils devinent ce dont tu as besoin avant de le leur dire. Un exemple : comme je suis musulman, je dois manger de la viande halal. Ou que ce soit, dans le vestiaire, au restaurant du club, aux collations, dans les hôtels, c’est un détail qui n’est jamais oublié. Ils y pensent tout seuls, c’est automatique.

– Humainement, qu’est-ce qui vous marque le plus ?
– Quand je croise M. Hoeness, il ne me demande jamais si j’ai fait dix jonglages. Il me demande si je vais bien et si ma famille va bien.

– Vous sentez-vous donc de plus en plus munichois ?
– Je suis bien ici, je suis à l’aise. J’apprends l’allemand.

– Sérieusement ?
– Oui, oui. J’ai envie de le parler mais c’est difficile, c’est spécial. Parfois tu crois que tu connais la langue et, en fait, tu ne sais rien.

– Suivez-vous encore ce qui se passe à Marseille ?
– J’y suis retourné une ou deux fois, la dernière fois pour le match contre le PSG (2-1). Ça me fait toujours plaisir de revenir.

– Pensez-vous parfois à retrouver l’OM en Coupe de l’UEFA ?
– Ça me ferait bizarre. Ce ne serait pas évident. Il ne faudrait pas que je me trompe de vestiaire. (Il rigole.) Je pourrais faire une mi-temps avec chaque équipe, non ?