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Pourquoi Vieira a craqué

Le capitaine des Bleus, expulsé contre Empoli (1-0), estime que ses nerfs ont lâché parce qu’il était frustré par son niveau de jeu.

La tortueuse saison de Patrick Vieira n’avait donc pas livré encore tous ses soubresauts. Il y avait eu les blessures à la cuisse gauche, puis au mollet droit. Les crispations, justement, de l’Inter, lorsque Vieira avait rechuté en septembre, parce que son goût du bleu l’avait sans doute conduit à forcer, notamment contre l’Écosse (0-1) le 12 septembre. Et puis, avant-hier, cette soudaine convulsion, lors d’un match ordinaire de Serie A, à San Siro, contre Empoli (1-0).
Résumé des faits : à la 39e minute, alors que l’Inter vient d’ouvrir le score, Vieira est averti pour un tirage de maillot sur Marianini. Pas de quoi sortir de ses gonds. A priori. Mais le milieu défensif des Nerazzuri est hors de lui. Ce qu’il dit alors à l’arbitre semble déborder du cadre des dictionnaires d’italien classique. M. Tagliavento ne sort même pas un deuxième jaune. Rouge direct pour le Français…
« Je n’ai peut-être pas été aussi bon que je l’espérais et ç’a un peu joué sur les nerfs, a-t-il expliqué, hier, à Clairefontaine. Oui, ça m’a peut-être fait craquer. Je n’étais pas à l’aise et je me suis senti, du coup, plus nerveux que d’habitude. J’ai lâché des mots que je n’aurais pas dû prononcer. C’est un carton rouge mérité. J’ai eu tort, mais que voulez-vous que je vous dise ? C’est fait, c’est fait. J’attendrai demain (aujourd’hui) pour savoir quelle sera ma suspension. »
Les mots –très durs – laissent supposer qu’il écopera de plus d’un match de suspension. Sans doute, même, faut-il envisager de ne revoir Vieira avec le maillot des champions d’Italie que le 19 février à… Liverpool, en huitièmes de finale aller de Ligue des champions, compétition pour laquelle il ne fait l’objet d’aucune sanction. Avec le capitaine des Bleus, il faut croire qu’il y a toujours un ennemi intérieur. Un muscle ou des nerfs pour lui compliquer la vie et étrangler son temps de jeu.
« Au niveau physique, je n’ai plus d’appréhension, assurait-il hier. Si je suis sur le terrain, c’est que je ne me pose pas la question du risque. Les derniers examens ont montré que ma blessure (au mollet) avait cicatrisé. Je suis rassuré par mes entraînements et parce que je n’ai pas eu mal à la suite du peu de matches que j’ai joués, ni juste après ni le surlendemain. Cette fois, j’ai été patient, raisonnable. Après mes précédentes blessures, je revenais directement comme titulaire. Là, le retour a été plus progressif. »

« Dans ma carrière, je ne suis plus à un rouge près »

Très progressif, même. Six minutes contre Parme (3-2) le 20 janvier. Onze contre la Juve (2-2 en quarts de finale aller de Coupe d’Italie) trois jours plus tard. Puis quatorze à Udine (0-0), trente-sept à Turin (3-2 face à la Juve au retour). Et trente-neuf, enfin, contre Empoli, avant-hier… C’était son premier match comme titulaire depuis un déplacement en C 1, à Moscou contre le CSKA (2-1) le 23 octobre, le jour où son mollet droit avait lâché.
« Il était prévu que je joue une heure contre Empoli », a glissé, hier, l’ancien joueur d’Arsenal. Soixante minutes, c’est la durée maximale qu’il s’ imagine tenir contre l’Espagne demain soir à Malaga. Il a déjà abordé la question avec Domenech. « Je ne pense pas être déjà prêt à jouer un match entier. » Il a ajouté que son club, probablement échaudé, lui avait demandé de « faire attention » dans le cadre de son premier match en bleu depuis la défaite contre l’Écosse au Parc.
Ce qui a filtré, hier, des propos de Vieira, c’est ce tiraillement entre une envie brûlante d’empiler les matches, de renifler la compétition et cette crainte, si difficile à esquiver, que l’infirmerie redevienne son vestiaire à lui : « Parce que j’ai besoin de jouer, ce match en Espagne me fera du bien. Il me faut du temps de jeu mais, d’un autre côté, je sais à quel point il serait dommage de se blesser encore, à deux ou trois mois de l’Euro… En fait, cette saison, mon état physique ne m’a pas inquiété. Mais je me suis demandé si je n’étais pas revenu trop tôt, si mes blessures avaient été ou non mal soignées. »
À quatre mois environ de l’entrée des Bleus dans l’Euro, Vieira est embarqué dans un délicat rapport au temps, à la frontière entre le « ni trop » et le « ni trop peu ». Il y a deux ans, gêné par une pubalgie, il s’était rapproché du Mondial escorté par les interrogations sur sa condition physique et son rythme de jeu. Le parallèle est tentant. On sent, quelque part, que Vieira est agacé par la saison qu’il vit. Hier, du haut de ses 104 sélections, il a même dit que retrouver Clairefontaine était « une bouffée d’oxygène ». Que ça lui « faisait du bien, dans (sa) tête de sortir du train-train quotidien ». Il avait retrouvé assez de bonne humeur pour donner dans le second degré en évoquant sa dernière contrariété en date : « Après tout, dans ma carrière, je ne suis plus à un rouge près… »