[FC Barcelone] Le topic des Blaugranas

« Ça peut être un problème »

THIERRY HENRY vit mal son exil sur l’aile gauche du Barça. Et s’inquiète de la perte de ses sensations d’avant-centre avant l’Euro.

Il ne cherche même plus à cacher que son plaisir s’est envolé. Au soir de la qualification de Barcelone face à Schalke 04 (1-0, 1-0), mercredi, il arpente la zone mixte du Camp Nou en s’arrêtant à chaque station. Canal +, Barca TV, les radios, les télés, la presse écrite espagnole, la presse écrite anglaise. Puis L’Équipe, enfin, dans un coin de la zone mixte rapidement rejoint par la curiosité. Silencieux depuis un mois, depuis l’interview publiée dans ces colonnes et dans laquelle il faisait état de ses problèmes familiaux (voir L’Équipe du 13 mars), Thierry Henry est venu parler, mercredi soir, de la qualification, de jeu et d’une solitude sur le terrain qui serait celle du coureur de fond. Au coeur de l’équipe qui a la plus grande réputation technique en Europe, l’attaquant français se fait l’effet, parfois, d’un coureur à pied. Sur le terrain, déjà, il ne semblait pas gai comme un pinson. Devant la presse, il se fait plutôt volubile, mais son visage reste fermé. Il n’y a même pas la place pour une ironie passagère au coin d’un sourire. L’ironie, en fait, vient toute seule. « Pour courir, je ne suis pas mal », glisse-t-il quand on évoque sa performance du soir.

– Dans un match comme ça, d’où vient votre plaisir ?
– De la victoire. C’est tout. Vous m’avez vu jouer souvent, depuis longtemps. Eh bien, je vous le dis : je n’ai jamais autant couru de toute ma carrière. Jamais, jamais, jamais, jamais, jamais.

– Quelle est la part du travail que l’on vous demande et celle que vous décidez de faire ?
– Ce n’est pas une question de décider de le faire ou de ne pas le faire. Quand tu vois“ Abi ” (Éric Abidal) en difficulté parce que tout le monde déboule de son côté, tu fais l’effort, c’est tout. Mais dans le jeu, franchement, ce n’est pas évident. Au lieu de partir dans le dos des défenseurs, à trente mètres du but, je pars à soixante mètres ! À un contre un, au bout de la course, je n’ai plus de jambes, plus rien. À un moment, en deuxième mi-temps, je fais une grande course, je vais presser, je récupère le ballon, mais je ne peux plus rien faire. Je ne pouvais pas essayer de passer à un contre un parce que j’étais cuit et je n’ai même pas réussi à donner comme je le voulais à Samuel Eto’o, je n’avais plus les jambes pour ça.

– Vous estimez-vous bien servi par vos coéquipiers ?
– Je n’ai rien à dire là-dessus. Vous analysez les choses comme vous voulez. Moi, je n’ai rien à dire.

« Moi, je cours pour l’équipe »

– Quelles peuvent être les conséquences de votre position à Barcelone pour l’équipe de France ?
– Cela peut être un problème ! Je vais être honnête. À Malaga, contre l’Espagne (0-1), en février, j’ai perdu mes repères dans l’axe, j’étais perdu dans mes appels, mes courses et, devant le but, je n’arrive plus à me situer de la même manière, je n’ai plus les mêmes réflexes. Alors, oui, cela peut créer un problème. J’espère que, dans le laps de temps qu’il y aura entre la fin de la saison de Barcelone et le début de l’Euro, j’aurai la chance de rejouer dans l’axe pendant la préparation de l’équipe de France et que je pourrai prendre à nouveau mes marques dans cette position.

– C’est difficile à vivre ?
– L’entraîneur décide de m’aligner à gauche, je joue à gauche. C’est comme ça. C’est un constat. Je ne me plains pas. Je répète juste toujours la même chose. Quand on me pose la question, je réponds franchement, c’est tout. Mais on n’est pas là pour savoir si Thierry Henry, quand il rentre chez lui, est content ou s’il n’est pas content. On est là pour savoir si nous avons gagné ou non.

– La presse espagnole vous juge plus pour ce que vous faites dans les trente derniers mètres que pour tout votre travail défensif…
– (Soupir ironique.) C’est de bonne guerre.

– Comment ça, de bonne guerre ?
– Écoutez, ça fait quatorze ans que je joue et finalement… (Il hésite, sourit.) Finalement, vous êtes pas mal, les journalistes français, je dois le dire, bizarrement. Ici, les gens parlent beaucoup, ils parlent de mes buts, mais en plus de mes buts (quatorze, toutes compétitions confondues), j’en suis déjà à dix passes décisives. Et, ici, je suis le gars qui joue à gauche, seulement le gars qui joue à gauche ! Encore une fois, on ne peut pas avoir les mêmes statistiques si l’on joue dans la surface ou si, comme moi, on démarre son action à soixante mètres du but.

– C’est le style du Barça…
– Ici, on joue avec des ailiers et il faut défendre. Je le fais. Je me mets en quatre. Il y a un travail à faire et il faut le respecter. J’ai toujours respecté les choix de mes entraîneurs. À la Coupe du monde 2002, quand Roger Lemerre m’a demandé de jouer sur le côté, je l’ai fait… Après, il faut se réhabituer, c’est tout.

– Qu’est-ce qui vous reste à faire ? Serrer les dents jusqu’à la fin de la saison ?
– Ce n’est pas la question de serrer les dents sans rien dire. D’ailleurs, j’en parle ouvertement. Mais comparer à ce que je faisais à Arsenal… Tu ne peux pas, c’est impossible ! Si Tony Parker joue soudain pivot au lieu de jouer meneur, tu vas lui reprocher de ne pas prendre de rebonds et de faire moins de passes ? Mais le plus important, en foot, c’est ce que l’on doit faire pour l’équipe. Et moi, je cours pour l’équipe. Je n’arrête pas de courir, même.

– Les journaux espagnols estiment que le Camp Nou vous a sifflé pendant le match, après la sortie de Bojan.
– Pas du tout. Ces sifflets venaient des rangs des supporters de Schalke, qui étaient dans la tribune basse, de mon côté. Le public du Camp Nou, lui, a applaudi quand je suis sorti. Sinon, je ne l’aurais pas applaudi en retour.

– En Ligue des champions, il vous reste, malgré tout, l’espoir d’aller au bout…
– Beaucoup d’équipes rêveraient d’être dans notre position. Mais, c’est vrai, on peut faire beaucoup mieux. Manchester ? Middlesbrough nous a montré qu’il était possible de bousculer MU et de marquer contre eux. Personne ne peut dire où en seront les deux équipes dans deux semaines. Puyol sera suspendu, des joueurs pourront être en méforme, d’autres vont revenir, comme Messi et Deco chez nous, et cela pourra être pareil pour eux. Mais c’est vrai, il va falloir qu’on évolue à un niveau supérieur pour les éliminer.

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