[FC Barcelone] Le topic des Blaugranas

Ronaldinho out 6 semaines

Ronaldinho, l'attaquant du FC Barcelone, s'est blessé aux adducteurs, jeudi, à l'entraînement. Le club espagnol a annoncé que le joueur brésilien serait absent des terrains pour une durée d'environ six semaines, soit pratiquement jusqu'à la fin de la saison. Une nouvelle qui renforce encore un peu plus le divorce entre le joueur et le Barça.

LE BARÇA SUR UN VOLCAN

Dans une ambiance de crise et de règlements de comptes, le FC Barcelone joue très gros, ce soir, contre Schalke 04.

Une fois tous les dix ans (et encore…), le Camp Nou, théâtre civilisé où le beau jeu est célébré, rugit de colère et crache ses insultes comme un volcan sa lave. Dimanche dernier, à la fin d’un match sans relief, face à Getafe, soixante mille mordus ont fait l’événement, crié leur exaspération et agité, furieux, tout ce qu’ils avaient sous la main : mouchoirs blancs, foulards, papiers. Le Barça est en crise.

Une bronca majuscule ! En cinq ans de présidence, Joan Laporta, élu en 2003, n’avait jamais eu à affronter un tel déchaînement. Après le match nul de son équipe (0-0), la colère des socios s’est propagée dans les coursives, qui criaient : « Laporta démission ! »
Hier matin, les murs du stade dégoulinaient encore de slogans peints pendant la nuit : « Laporta dehors, sinon… » Ou : « Mourinho ya, (maintenant). » Même l’enceinte de la maison de Johan Cruyff, homme à tout faire depuis des décennies – joueur, entraîneur, aujourd’hui, maître à penser du président –, n’a pas été épargnée avec cette inscription : « Cruyff, cancer du Barça ! Fuera ! »
La mauvaise humeur et l’irritation sont partout en ville. La nouvelle déconvenue du FC Barcelone, dimanche soir, face à l’équipe A’ de Getafe (0-0), n’a fait qu’envenimer les choses. À sept journées de la fin de la Liga, les 7 points de retard du Barça sur le Real Madrid, actuel leader, ressemblent à un abîme. Les « Fantasticos » Ronaldinho-Eto’o-Henry, qui auraient dû tout casser dans la Péninsule et en Europe, sont à des années-lumière de leur potentiel. Le jeu du Barça, même ponctué d’éclairs, reste terne, prévisible et trop fragile. De sorte que le quart de finale retour de Ligue des champions, ce soir, face aux Allemands de Schalke 04, qui se jouera bien sûr sans Ronaldinho, porté disparu, n’est ni plus ni moins qu’une bouée de sauvetage. En cas d’échec, il est quasiment acquis que Frank Rijkaard ne dirigerait pas l’équipe, dimanche prochain, à Huelva.

''Certaines décisions sont déjà prises. Il faut attendre la fin de la saison pour les exécuter''
(Txiki Begiristain, le directeur sportif)

« On peut encore gagner la Ligue des champions ! Et la Liga ! » s’est exalté Joan Laporta, dimanche matin à L’Hospitalet (Catalogne), devant le XXXIe Congrès mondial des peñas du Barça (864 associations de supporters étaient représentées sur les 1 512 existantes). « Mais soyez vigilants, vous qui avez donné une dimension mondiale au club, a ajouté le président, n’écoutez pas les menteurs et les hypocrites qui essaient de vous monter les uns contre les autres. Chacun doit avoir foi dans le Barça. »
Le message d’un président « messianique », qui s’est cru tout permis, jusqu’à baisser son pantalon d’agacement au filtre de sécurité de l’aéroport El Prat, à Barcelone, ou de faire descendre son chauffeur de voiture parce qu’un jour où il était pressé l’employé s’était arrêté à l’orange, son discours donc, n’est pas passé. Le même soir, au Camp Nou, Laporta reçut la bronca de sa vie, en retour de sa politique jugée par une opposition réduite au silence dans les réunions de direction « erratique, interventionniste et protectionniste ». Il y a crise au FC Barcelone, elle est grave, et Laporta, élu jusqu’en 2010, le sait.
Imposer le huis clos aux entraînements pour isoler les joueurs de la pression de la rue – c’était le cas avant-hier –, décréter un plan d’urgence au jour le jour pour évacuer les tensions et les problèmes internes, nés la plupart de l’attitude de Ronaldinho, n’y changent rien. Les nerfs sont à vif et l’indignation grossit match après match. Le constat, qui part d’un manque flagrant de résultats, est triple. Primo, Ronaldinho, la star des stars, celui qui a rendu leur fierté aux socios, est à la vente ; secundo, la méthode Rijkaard, l’entraîneur, trop paternaliste et trop politique dans ses choix, ne passe plus ; tertio, la cote de popularité de Laporta est en chute libre et rappelle les époques les plus noires du barcelonisme, sous Nuñez et Gaspart, deux autres présidents détestés par l’aficion. Ces trois personnages centraux du feuilleton catalan le plus suivi ont un point commun : ils font couler beaucoup d’encre et de salive.
Ainsi, certains joueurs – et même s’ils ne sont pas nombreux – ont fait état d’épisodes graves qui ont rompu l’harmonie du vestiaire. En décembre dernier, Edmilson a eu le cran de parler devant les caméras de TV 3 de « comportements anormaux et [de] mouton noir ». Sans le nommer, il visait Ronaldinho. Le vestiaire lui a reproché la violation d’une certaine intimité, mais a fait preuve de beaucoup d’humour en offrant à l’ancien Lyonnais au moment des étrennes du club un mouton noir en chair et en os. Anonymement, un autre membre du club a raconté, toujours sans nommer le coupable, que de « fréquentes séances dans le gymnase se transformaient en siestes ». Encore une fois, tout le monde reconnut Ronaldinho. Un autre a révélé qu’« il » était arrivé un jour à l’entraînement « empapado de su noche », littéralement : « imbibé de sa nuit ».
Tout cela, Laporta et Rijkaard le savaient et l’ont étouffé. Comme ils savaient que, depuis deux ans, le Brésilien multipliait les sorties en boîte à un rythme vertigineux. Deux ans que Ronaldinho ne s’entraîne pratiquement plus. Pas étonnant dès lors que sa musculature se soit mise à casser. Dans une récente chronique, Tostão, son compatriote, ancien champion du monde avec la Seleçao (Mexique, 1970), s’est interrogé sur « l’impressionnante masse musculaire de Ronaldinho, principal motif de ses blessures ». Et l’ancienne gloire auriverde de se demander, laconique : « N’a-t-il pas exagéré ? » Affinant ensuite son analyse vers un déclin inéluctable : « Avec ce physique, il a été obligé de changer sa façon de jouer. Avant, il était plus vif, plus mobile. Aujourd’hui, il est devenu un faux milieu de terrain, meilleur sans ballon qu’avec. Quand je le regarde, il me fait penser à un vétéran. Après deux ans de ce régime et toutes ses blessures, je doute qu’il retrouve un jour son vrai niveau. »
Le dernier coup d’arrêt, vendredi 4 avril – déchirure à l’adducteur droit –, ne l’autorisera probablement pas à rejouer d’ici à la finde la saison. Presque une aubaine, pour lui éviter des retrouvailles très difficiles avec un public qui ne lui a pas pardonné de s’être moqué de lui. Comme il n’a pas pardonné à Laporta de ne pas être descendu dans le vestiaire pour recadrer une situation que tous savaient intenable. Même si ce n’est pas tout à fait exact. Laporta est allé parler aux joueurs pour tenter de stopper la spirale infernale… mais juste pour leur promettre des primes de match !

Rebâtir une équipe autour de Puyol, Iniesta, Messi et Bojan, « l’épine dorsale nourrie à la mamelle Barça »

Il est trop tard aujourd’hui pour faire marche arrière. Le club s’avance vers une crise dont personne ne sortira indemne. Le président en sera affaibli. Le cycle Rijkaard touche à sa fin, et aura duré cinq ans, un de moins que le terme de son contrat, qui arrivera en 2009. Enfin, le départ d’une dizaine de joueurs commence à filtrer.
L’épisode Rijkaard, l’entraîneur le plus cordial de l’histoire moderne du Barça, l’homme qui est parvenu aussi à lui faire gagner deux Ligas consécutives (2005 et 2006) et une Ligue des champions (2006), peut se terminer ce soir en cas d’élimination face à Schalke. Il y a huit jours, il s’est déjà retrouvé sur le fil du rasoir lors d’un comité directeur agité. Certains auraient voulu le destituer sur-le-champ, tandis que les autres préféraient attendre la fin de la saison. Interrogé sur l’avenir du Néerlandais, Txiki Begiristain, le directeur sportif, a fait ce commentaire à l’antenne de TV 3 : « Certaines décisions sont déjà prises. Il faut attendre la fin de la saison pour les exécuter. » Les jours de Rijkaard sont donc comptés. Comme pour Laporta, il lui est surtout reproché d’avoir couvé, toléré et protégé Ronaldinho au lieu de réprimer ses abus.
Pour le remplacer, Laporta a donné des pistes, sans les nommer, sur ceux qui ne viendront pas : « Notre style de jeu est d’avoir le ballon, de le garder, de créer... Je respecte ceux qui jouent autrement, mais il faut qu’ils sachent qu’ils ne viendront pas au Barça. » Mourinho et Benitez se retrouvent donc hors jeu. En revanche, les pistes Guardiola, un enfant du Barça, entraîneur de la filiale depuis huit mois, Laudrup, un ex de la Dream Team, avec laquelle il a remporté quatre titres de champion d’Espagne, voire celle de l’Argentin Pellegrini, plaisent beaucoup. Le prix du second, entraîneur de Getafe, ou du dernier nommé, ne seraient pas un problème pour le Barça (environ 320 millions d’euros), qui désire dépenser une centaine de millions pour rebâtir une équipe autour de Puyol, Iniesta, Messi et Bojan, « l’épine dorsale nourrie à la mamelle Barça », a commenté Begiristain. Au-delà des amours-propres montés en mayonnaise, le très sérieux quotidien catalan el Periodico a publié hier le résultat d’un sondage sur « la crise du Barça ». L’unanimité s’est faite sur deux réponses : la nécessité immédiate de changement et le départ de Ronaldinho. Le premier point demandera quelques semaines. Le deuxième est déjà entre les mains de Roberto de Assis, le frère et agent du Ballon d’Or 2005.
Selon The Guardian, Manchester City lui ferait de l’oeil et mettrait 20 millions dans la corbeille. Le tabloïd britannique rapporte que Sven-Göran Eriksson, l’entraîneur de City, en se frottant les mains sur cette éventualité, aurait lancé avec humour : « Je me demande si Ronaldinho aura envie de disputer cet été l’Intertoto. »

---