Leyti N'Diaye : "Si je suis toujours là, c'est peut-être que je le mérite"Prêté à cinq reprises et gravement blessé au genou plusieurs fois, il a connu un parcours semé d'embûches qui le rend aujourd'hui plus fort mentalement. Entretien.
Lorsqu'il discute avec quelqu'un,
Leyti N'Diaye le regarde toujours droit dans les yeux. Aussi impressionnant physiquement qu'attachant humainement, le Sénégalais, très apprécié à l'OM, a surmonté bien des épreuves depuis son arrivée en... 2004. Entretien.
Leyti, comment va votre tendon d'Achille ?Leyti N'Diaye : En fait, ce n'est pas le tendon d'Achille, c'est le tendon plantaire qui me tire depuis que nous sommes arrivés à Divonne-les-Bains. Mais depuis la reprise (début juillet), ça va de mieux en mieux. J'ai eu six derniers mois un peu difficiles avec Ajaccio, où j'ai eu pas mal de blessures. Là, progressivement ça va mieux. Pour le tendon, on est en train de voir avec le docteur pour trouver une solution pour que je revienne vite sur le terrain. Mais je ne vais pas forcer dessus pour qu'après, ça me tue la saison.
C'est dommage parce que mercredi, vous auriez pu jouer. Vous l'aviez fait contre Nîmes vendredi, en marquant d'ailleurs un but. Cette blessure vous coupe un peu dans votre élan ?L.N. : Oui, mais je connais un peu les blessures... Ce n'est pas la première fois que j'ai ce genre de soucis. Ce sont des choses qui arrivent. Le plus important, c'est de me remettre et de revenir au plus haut niveau. Je ferai ce qu'il faut pour être prêt quand on aura besoin de moi.
On sait qu'Elie Baup compte sur vous. Avec l'absence de Diawara, il y aura peut-être une chance à saisir en début de saison. Cela vous met-il plus de pression ?L.N. : Pas du tout. Au contraire, ça fait plaisir d'avoir un entraîneur qui compte sur moi, mais c'est à moi aussi de prouver que je mérite d'être là et de faire le maximum pour répondre à ses attentes. Après, on verra bien. Comme vous dites, c'est peut-être une opportunité mais c'est à moi d'être prêt, de me remettre en jambes et de prouver que je mérite d'être là.
Chaque saison, vous faites toute la préparation à l'OM. Et après, vous êtes prêté... Comment vivez-vous cette situation ?L.N. : Je suis un professionnel, à partir du moment où j'ai un contrat, il y a des coachs qui arrivent et qui prennent les décisions et je les respecte. Je n'attends rien de personne, je ne compte que sur moi.
Vous êtes le plus ancien joueur de l'effectif. Cela vous étonne-t-il ?L.N. : Ce n'est pas la peine de me le rappeler ! Je le sais (rires). Non, ça ne m'étonne pas du tout. Si je suis encore à l'OM, c'est peut-être que je mérite d'être là. J'ai eu des moments difficiles dans ma carrière, avec beaucoup de blessures, mais ça ne m'a pas empêché de tout le temps garder l'envie que j'avais en partant du Sénégal. Aujourd'hui, je me sens de mieux en mieux et j'espère retrouver la meilleure forme possible.
Il y a aussi eu des bons moments : Eric Gerets vous a fait confiance, un peu plus tard vous avez joué contre Chelsea (en 2010) après avoir gagné le Trophée des Champions l'été précédent...L.N. : Oui, mais c'est comme la vie. Dans le football, il y a des bons comme des mauvais moments. Mais, après, ça fait partie de la nature, je prends les choses comme ça vient et je crois au bon Dieu. Je sais que mon destin est déjà tracé.
Les moments difficiles vous ont-ils renforcé ?L.N.: Oui, beaucoup. Rien n'est simple dans la vie. Avant d'arriver à Marseille, je n'avais jamais eu de souci de blessures. C'est la première année, quand je suis arrivé, que j'ai commencé à en avoir. Au début, c'était difficile à comprendre, mais après, on sait que c'est le métier qui veut ça. Je fais attention à tout ce que je fais, je n'ai rien à me reprocher.
Vous avez été prêté trois fois à l'AC Ajaccio. Quelle expérience en avez-vous tiré ?L.N. : J'ai été prêté deux ans et demi, en fait. Je garde une très bonne image de la Corse. Là-bas, ils comprennent beaucoup de choses de la vie qu'on ne comprend pas ailleurs. Ils savent que la vie n'est pas faite que de bonnes choses. J'ai connu des moments difficiles là-bas (il a notamment été blessé une grande partie de la saison dernière, ndlr), mais ça n'a pas empêché les gens de me soutenir, de rester en très bon contact avec moi, autant sinon plus que lorsque ça allait bien. Je conserve de très bons souvenirs de la Corse.
Vous aviez de bons contacts avec le président, Alain Orsoni.L.N. : Oui, c'est quelqu'un avec qui je m'entendais bien. Il m'a pris sous son aile, il a appris à me connaître. Je donne tout ce que j'ai. Je pense qu'il apprécie ça. Il m'estime beaucoup et c'est la même chose pour moi.
Vous étiez également très proche de Johan Cavalli ?L.N. : Oui, c'est la famille (rires). Il fait partie de ces gens avec qui je resterai toujours en contact. Même en dehors du football, ce sont vraiment des personnes positives qui m'ont apporté beaucoup de soutien et cela je ne l'oublierai jamais !
Ce passage en Corse semble vous avoir marqué en tant qu'homme...L.N. : En tant qu'homme, mais aussi en tant que joueur. Les deux sont liés. Le football, aujourd'hui, c'est ma profession, mais j'apprends aussi à connaître la vie, à essayer de me projeter sur l'avenir et à me forger une mentalité. Ce que j'ai trouvé en Corse m'a marqué et ça restera toute ma vie ! Il y a des valeurs que je n'avais jamais connues, même au Sénégal d'où je viens. Il y a le respect, les gens sont exceptionnels.
Vous avez eu le temps de découvrir toute l'île ?L.N. : Oui, j'ai vraiment aimé les Calanques de Piana. La Corse, c'est magnifique, il y a tout pour bien vivre : le cadre, les gens. C'est vraiment un beau pays !
L'expérience que vous avez acquis là-bas va-t-elle vous servir pour les prochaines années à l'OM ?L.N. : Grandement ! Les Corses, par leur histoire, n'ont jamais rien attendu de personne. Tout ce qu'ils ont eu, ils sont allés le chercher. Et moi, j'ai été éduqué comme ça. Je n'ai jamais eu de cadeau et je n'en attendrai jamais de la part de qui que ce soit... Tant que j'aurai la santé, je donnerai le meilleur de moi-même.
Vous rappelez-vous le moment où vous êtes arrivé à Marseille en 2004 ? Beaucoup de choses ont changé depuis...L.N. : C'est sûr, quand on arrive du Sénégal et qu'un an après (il est d'abord passé par Louhans-Cuiseaux, ndlr), on partage le même vestiaire que Fabien Barthez ou Bixente Lizarazu, c'est une belle expérience. Je découvrais et j'ai appris beaucoup de choses à l'OM.
Vous avez connu quatre présidents : Christophe Bouchet, Pape Diouf, Jean-Claude Dassier et maintenant Vincent Labrune. Vous traversez les époques...L.N. : C'est sûr (rires) ! Je les ai tous découverts, mais si je suis encore là, je me regarde dans la glace et je me respecte car je n'ai jamais rien demandé à personne. Personne ne m'a rien donné et si je suis toujours là, c'est peut-être que je le mérite.
Peut-on définir votre parcours comme celui du combattant ?L.N. : Je ne connais pas les itinéraires des autres joueurs, mais, en tout cas, je sais que j'ai surmonté pas mal d'obstacles. Mais ça fait partie de la vie. Aujourd'hui, je suis un homme, j'avance...
Ce qui ne tue pas rend plus fort...L.N. : Oui, aujourd'hui je sais que je suis fort. Je suis très très fort ! Je vois ce qui se passe dans les clubs, avec les jeunes qui arrivent, et je me dis que, peut-être, ils n'ont pas connu certaines galères. Il faut savoir d'où l'on vient et par où on est passé pour avancer dans la vie.
Vous en parlez avec les jeunes ?L.N. : J'essaie de leur faire comprendre que rien n'est facile, surtout dans le monde dans lequel on évolue. Il faut se battre et ne jamais arrêter de le faire. C'est une vraie chance d'être footballeur professionnel. Tu te rends compte que ça peut s'arrêter à n'importe quel moment. Dehors, il y a des gens qui n'ont pas de quoi manger. Nous, on a de la chance ! Il ne faut jamais rien lâcher et donner le meilleur de soi.
Vous êtes un peu le sage du vestiaire désormais...L.N. : Oui, c'est ça (rires). Il faut faire passer le message du mieux possible. Les jeunes découvrent, ils ne comprennent pas, à nous de les guider comme il faut.
Vous trouvez que le football a changé ces dernières années ?L.N. : Ce n'est pas spécialement au niveau du jeu, mais plutôt des mentalités. Je me rappelle quand j'ai commencé, il y avait plus de respect pour les anciens qu'aujourd'hui. Maintenant tout le monde parle à tout le monde, il n'y a plus de guide.
Vous essayez donc de remplir ce rôle ?L.N. : Disons que je fais de mon mieux. Je suis quelqu'un d'assez réservé, je le sais. Mais quand il y a des personnes avec qui je sens que je peux me rapprocher, je n'hésite pas. L'OM est une loupe.
Si vous recommencez à jouer ici, vous pourrez peut-être prétendre à une place dans la sélection sénégalaise ?L.N. : J'espère... J'avais eu l'occasion d'y aller il y a deux ans, ça s'était mal passé parce que je m'étais blessé à l'épaule ; ça fait partie de mes objectifs, mais pour le moment je me concentre surtout à gagner ma place à l'OM.
Vous retournez souvent au Sénégal ?L.N. : Dès que je peux, car ma famille est là-bas. Mais j'ai aussi un frère qui est aux Etats-Unis, à Houston. Il travaille là-bas, il se bat. Comme tous les Sénégalais qui partent à l'extérieur, il essaie de travailler dans les restaurants.
Ce sont vos parents qui vous ont inculqué ces valeurs ? Il faut se battre pour aller chercher ce qu'on veut...L.N. : Quand on vient d'Afrique, ce n'est pas facile. J'ai vraiment été bien éduqué, je ne pourrai jamais assez le rendre à mes parents. J'espère avoir des enfants et leur transmettre ces valeurs.
:La Provence: