« Le privilège de choisir »
Didier Deschamps, devenu un consultant apprécié, a toujours envie d’entraîner mais ne veut pas se précipiter.
Pourquoi donner longuement la parole à cet entraîneur sans club plutôt qu’à des dizaines d’autres, également à la recherche d’un poste ? Parce que Didier Deschamps a été capitaine des Bleus champions du monde (1998) et d’Europe (2000), capitaine de l’OM vainqueur de la Ligue des champions (1993), et que son poids dans le football français reste considérable. Parce qu’après des débuts mouvementés de technicien à Monaco il a conduit l’ASM en finale de la C 1 en 2004 avant de démissionner, en septembre 2005. Parce qu’il a été l’entraîneur de la Juventus en Serie B la saison dernière, mais a démissionné une nouvelle fois en mai 2007, après avoir assuré la remontée du club turinois. Aujourd’hui consultant télé et radio mais aussi conseiller de Frédéric Thiriez à la LFP, Deschamps revient sur ses deux départs anticipés, ses nouvelles occupations et sa vision du métier d’entraîneur.
– Le terrain ne vous manque t-il pas depuis six mois ?
– Pour le moment, ça va très bien, je profite de cette période pour me relâcher et me détendre. La pression des matches n’a jamais été néfaste pour moi, tout ce qui entourait une rencontre l’était davantage. Maintenant, comme consultant, je peux voir des matches tranquillement, sans être stressé ni avant ni après, juste un peu pendant. Je n’ai pas de soucis, je vois ceux des autres.
– Revenir sur un banc vous démange-t-il ?
– En quittant la Juve, j’avais décidé, sauf proposition vraiment très intéressante, de couper pendant une année. Parfois, le contact avec les joueurs me manque, c’est vrai, mais gérer tout un effectif, ceux qui ne jouent pas, etc., beaucoup moins.
– Après tant d’années au plus haut niveau, n’êtes-vous pas confronté à un sentiment de vide en vous levant le matin sans objectif précis ?
– Non. Je suis occupé, je m’organise pour profiter davantage de ma famille. De seize à trente-huit ou trente-neuf ans, je n’ai pas arrêté. Même si on ne peut pas rattraper le temps perdu, ça fait du bien d’avoir du temps libre.
– Comment s’organisent vos semaines ?
– Je réside toujours sur la Côte d’Azur. J’ai deux rendez-vous hebdomadaires, le lundi et le jeudi, dans l’émission de Luis Fernandez sur RMC, mais je ne me déplace pas systématiquement à Paris. Je le fais quand je participe aux Spécialistes, sur Canal +, où je commente aussi des matches de L 1 et participe à des plateaux ou des matches de Ligue des champions.
– De l’avis général, vous êtes, tout comme Christophe Dugarry, un très bon consultant, meilleur que certains de vos anciens coéquipiers en équipe de France. C’est un “métier” qui s’apprend, ou pas ?
– Au début, avec tous les écrans devant vous, le journaliste à côté, un en bas du terrain, d’autres consultants, il faut s’adapter. Mais on m’a parfaitement mis à l’aise. Et je parle quand même de quelque chose que je connais bien, comme joueur et entraîneur.
– Canal + vous a-t-il demandé d’être sévère avec le niveau de la L 1 ?
– Je n’ai pas eu de consigne, que ce soit pour dire du bien ou du mal. J’essaie d’être sincère, d’être critique quand il le faut.
– Quelle est donc votre opinion sur le Championnat de France ?
– Il y a deux manières de voir les choses, selon que l’on souhaite les positiver ou pas. D’un côté, on peut louer l’homogénéité de la Ligue 1, où le vingtième peut embêter et parfois battre le premier, et où les écarts sont très serrés entre les places européennes et le bas de tableau. D’un autre côté, on peut regretter que les gros clubs ne soient pas devant au classement. Dans les Championnats européens majeurs, quand un gros est en difficulté, il est quatrième ou cinquième. En France, il est parfois relégable. C’est dû au départ de nos meilleurs joueurs à l’étranger, internationaux A ou même Espoirs. Mais c’est vrai que cela permet aussi de découvrir des jeunes très intéressants. Le travail de formation est toujours très bon, notamment sur les postes offensifs. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu autant de talent devant en L 1 : Ménez, Nasri, Benzema, Ben Arfa, Dia ou encore Ngog et le petit Pjanic à Metz.
– Dans vos commentaires, vous imposez-vous un devoir de réserve ?
– Oui, je ne dis pas tout ce que je pense, c’est aussi une question de respect des joueurs et des entraîneurs. Je fais attention, surtout avec les joueurs. Je tente de mettre les formes, mais de ne pas être lisse.
– Vous avez pourtant été champion du monde de langue de bois, comme joueur puis entraîneur…
– Oui, mais c’était mon rôle. Écoutez les entraîneurs de L 1, ils disent souvent les mêmes choses. C’est la fonction qui veut ça, avoir un discours externe très différent du discours interne. Quand on est capitaine de l’équipe de France, ou entraîneur d’un club médiatique, on est obligé d’arrondir les angles. La moindre étincelle peut avoir des conséquences très grandes.
– Donc, débiter toujours “sur le plan tactique comme technique” vous protégeait.
– Je savais parfaitement ce que je disais, je crois avoir toujours bien maîtrisé ma communication. Répondre sans répondre n’était pas un souci. Le premier à m’avoir expliqué comment faire, c’était Robert Budzynski, à Nantes ! Au centre de formation, on avait aussi des cours pour savoir comment répondre aux médias. Ça m’a pas mal servi…
– Sur RMC, vous avez émis des doutes sur les dernières performances de Lilian Thuram en équipe de France.
– Les phrases ont été sorties du contexte…
– Ça, c’est de la langue de bois, ou au moins une excuse classique !
– Non, non. Ce n’était pas une attaque ou un tacle contre Lilian, mais un constat. Je n’attaquerai jamais un joueur de la génération 98.
– Vous en avez reparlé avec Thuram ?
– Non. Mais je suis sûr qu’il sera titulaire à l’Euro, et vice-capitaine derrière Patrick Vieira.
– Vieira, qui vous a reproché, il y a quelques jours, vos commentaires sur Thuram …
– Je ne rentre pas là-dedans.
– Vous aimez votre rôle de consultant au point de ne plus penser à entraîner ?
– Ce n’est pas une expérience désagréable, bien au contraire. Mais je ne crois pas avoir atteint la limite d’âge pour entraîner, même si je ne me vois pas sur un banc à cinquante-cinq ans. Je ne suis plus dans le circuit, c’est vrai, mais ce que j’ai fait à Monaco et à la Juve me donne une certaine légitimité. Maintenant, quand je vois le nombre d’entraîneurs libres sur le marché, c’est impressionnant.
– Tous n’ont pas connu une carrière comme la vôtre, notamment au plan financier. Vous n’êtes plus obligé de travailler…
– C’est vrai : j’ai le privilège de pouvoir choisir, de refuser un poste. Je suis parti deux fois, de Monaco et de la Juve, en serrant la main de mes dirigeants, sans prendre un centime alors que j’étais encore sous contrat. Ce n’est peut-être pas une bonne chose à faire, mais j’ai cette liberté financière. Je ne suis pas obligé d’accepter tout et n’importe quoi.
– Depuis deux ans, avant et après la Juve, vous avez été annoncé dans de nombreux clubs. Quelles ont été les vraies approches ?
– Il y a eu l’OM, avant d’aller à la Juve. C’était vraiment un contact concret. Mais je voulais une garantie, celle de pouvoir travailler avec mon staff : un adjoint, un préparateur physique et un entraîneur des gardiens. Pour moi, c’est très important, mais l’idée a du mal à passer en France.
– L’OL vous a aussi sondé, après le départ de Gérard Houllier…
– Il y a eu contact cet été, mais le timing n’était pas le bon après ma démission de la Juve. J’ai, en revanche, rencontré le président Martel, mais la veille il avait déjà choisi Guy Roux pour entraîner Lens.
– Votre nom a circulé également à l’étranger : Chelsea, Valence…
– Je connais du monde dans ces deux clubs, il y a eu des approches.
– Vos deux démissions ont peut-être effrayé des décideurs, non ?
– J’ai quand même fait plus de quatre ans à Monaco. La Juve, j’ai encore du mal à comprendre. Certains communiquent négativement sur mon départ. On avait réussi à remonter en Serie A, il y avait tout pour réussir. Je ne suis pas parti sur un coup de tête. Je voulais pouvoir travailler dans un climat de confiance au quotidien.
– Les dirigeants vous reprochaient surtout de vouloir décider de tout…
– Non. Maintenant, à Lyon, quand Aulas et Lacombe décident ou conseillent l’entraîneur en place, leur compétence, leur connaissance du foot est reconnue. Ce n’est pas le cas partout. Je n’avais pas envie de me planter avec les idées des autres.
– Aujourd’hui, quels sont vos rapports avec Jean-Claude Blanc, l’administrateur délégué et directeur général de la Juve ?
– On s’est reparlé une fois cet été. Il continue sa vie et moi, la mienne. La Juve fait un beau parcours, avec un effectif compétitif, différent de celui que j’aurais pu constituer. J’ai la conscience tranquille.
– À choisir, où souhaiteriez-vous entraîner ?
– Si vous souhaitez avoir la plus grande liberté d’action, le pays idéal me semble l’Angleterre, où l’entraîneur a aussi la main sur la politique sportive, le recrutement. L’Espagne, c’est aussi très intéressant. L’Italie ? Il ne faut jamais dire jamais, mais ça sera difficile, je suis “marqué” Juventus.
– Entraîner, c’est aussi pouvoir devenir un jour sélectionneur, a priori de l’équipe de France, un destin que l’on vous prédit souvent, à plus ou moins long terme…
– On me le dit souvent. Mais attention, que Raymond (Domenech) ne pense pas que je suis perché sur la branche, à attendre ! J’espère vraiment que l’Euro 2008 va bien se passer, les Bleus ont tout pour être compétitifs avec une génération expérimentée et des jeunes de très grande qualité qui arrivent. Sélectionneur ? On verra, peut-être que ça se fera, peut-être pas, mais ce serait une énorme fierté et une très belle manière de boucler la boucle après avoir connu ce niveau en tant que joueur et capitaine.
Source : L'Equipe Papier
Voilà l'ITW, à aucun moment il déclare qu'il entraînera l'OM dans un futur plus ou moins proche.
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