[FC Metz] Le Topic des Quiches Lorraines

– Le président du FC Metz Carlo Molinari et son ancien entraîneur Francis De Taddeo, démis de ses fonctions le 23 décembre dernier et remplacé par Yvon Pouliquen, ont entamé des négociations hier afin de trouver un accord sur les conditions d’une séparation. Les indemnités de licenciement du technicien s’élèveraient à 1,2 million d’euros.

Pouliquen est remonté

Yvon Pouliquen n’a eu besoin que de cinq jours et d’un match amical pour comprendre où il débarquait. Nommé le 24 décembre en remplacement de Francis De Taddeo, il a pris les commandes de son nouvel effectif lundi. Enfin, d’une partie de son effectif. Entre les blessés et les absents, excusés ou pas, il n’en a eu qu’une vision très incomplète. Au point de devoir emmener à Vesoul les jeunes Anastassowa et Andres, une première pour eux alors que De Taddeo avait pourtant retenu trente-sept joueurs différents pendant la première moitié de la saison… Mercredi, pour son premier match amical, contre Amnéville (CFA 2), il a dû se contenter d’un triste 0-0. Il mesure, au moins, l’ampleur de la tâche. « C’est la première fois que j’ai un groupe de quarante-neuf joueurs sur le papier, a-t-il commenté hier. Je ne m’attendais pas à trouver une situation aussi critique : je ne dispose pas de la totalité de mon effectif au bout de quatre jours (Diop et Aguirre ne sont toujours pas revenus de vacances), je n’ai jamais eu autant de bobos, autant de joueurs qui ne veulent pas prendre de risques pour être sur le terrain. » Le nouvel entraîneur messin a déjà annoncé qu’il resserrerait son groupe à « vingt-cinq, vingt-six » éléments au retour de Vesoul. « On a affiné un peu, expliquait-il en milieu de semaine. La porte ne sera jamais fermée. Je ne vais pas mettre des joueurs à l’écart, je continuerai à les suivre. Mais je ne tiens pas compte du statut. Ce qui m’intéresse, c’est la compétence et l’envie. » Son onze de départ, ce soir, donnera déjà quelques idées sur les changements qu’il souhaite mettre en oeuvre. Une de ses idées est notamment d’installer Renouard, utilisé comme milieu droit par De Taddeo, au poste d’attaquant. « Je veux placer les joueurs à leur poste de prédilection, précise-t-il. C’est difficile, car on est très riches sur certains postes et très pauvres pour d’autres. Je dois avoir dix milieux défensifs et presque pas de joueurs de couloir. » Bienvenue chez le dernier.

Molinari en « grève »

À l'issue d'une énième défaite à Paris (0-3), mercredi soir, Christophe Marichez avait fustigé l’attitude de certains de ses coéquipiers avec des mots durs : « Il y a des mecs qui ont triché. Ils n’ont pas le droit. On va régler nos comptes. »
Hier après-midi, avant le décrassage, les Messins se sont donc réunis, avec leur entraîneur Yvon Pouliquen, puis tout seuls, pour régler ces comptes. Sur ce qu’ils ont laissé filtrer de cette réunion, son ambiance n’était pas vraiment électrique. Plutôt une nouvelle tentative de mobilisation collective au cours de laquelle les cadres (Marichez, Cardy notamment) se sont exprimés. « On commence à être ridicules, maintenant on se fait chambrer sur le terrain, a commenté le capitaine messin. Ou on continue et on va se mettre sur la gueule ou bien on se met dans la peau d’une équipe qui joue des matches de Coupe de France avec l’état d’esprit des amateurs. » Passé un peu plus tôt, Carlo Molinari ne s’est même pas adressé à l’effectif professionnel : « Je rentre dans une période de grève, a-t-il expliqué. Je prends du recul, je n’aurai pas de contact avec eux jusqu’après Rennes. Je veux qu’ils comprennent qu’ils doivent avoir une réaction. »

Metz porte sa croix

Condamnés à la L 2, les Lorrains comptent sur la Coupe de France pour retrouver une fierté mise à mal par six mois de cauchemar.

La saison dernière, Metz avait survolé la Ligue 2. Cette saison, c’est une des pires équipes de l’histoire de la Ligue 1. Un gigantesque accident sportif accompagné d’événements rocambolesques et pathétiques : blessures à répétition, entraîneur limogé, match interrompu, site Internet piraté, joueur pris en otage… Vendredi à Strasbourg (0-3), les Messins ont pourtant eu les ressources de se qualifier pour les huitièmes de finale de la Coupe de France. Leur dernier espoir de sauver l’honneur.


« On va gagner la Coupe de France ! On va gagner la Coupe de France ! » Quand les victoires sont rares, on veut dire introuvables, elles font perdre la raison. Vendredi soir à la Meinau, après le succès inespéré de leur équipe sur Strasbourg (3-0) en seizième de finale, les supporters messins se voyaient déjà au Stade de France. Si l’espoir fait vivre, il leur en faut beaucoup, cette année, pour seulement survivre. Grande figure messine, Michel Ettorre, revenu au club fin décembre comme entraîneur adjoint aux côtés d’Yvon Pouliquen, est un témoin lucide de ce cauchemar sportif. « Même quand je n’étais pas là, je le vivais très mal, dit-il. Pour l’instant, il n’y a que la Coupe qui nous ait donné du plaisir. Je parle des supporters, des partenaires mais aussi du personnel, qu’on oublie mais qui souffre beaucoup depuis des mois. »
Après avoir survolé la Deuxième Division la saison dernière, Metz s’est crashé en grand, Technicolor et stéréo, à l’étage supérieur. Zéro victoire à domicile, la dernière place depuis la 4e journée, 18 points de retard sur le premier non-relégable et une angoisse de plus en plus oppressante : devenir en mai la plus mauvaise équipe de l’histoire de la L 1. Un calvaire presque surréaliste. « Je ne sais pas si on a le niveau (de la L 1), commente le milieu Laurent Agouazi. La Coupe c’est un match, le Championnat révèle davantage le vrai niveau d’une équipe. C’est dur ce que je dis mais si on est à cette place, c’est qu’on le mérite. » « C’est dommage qu’on n’arrive pas à réitérer ce genre de performance en Championnat, regrette aussi Julien François. Mais pour le vestiaire, cette victoire a soudé pas mal de trucs. Notre salut passe par cette compétition. Quand on est en Coupe, on a l’impression de jouer sans arrière-pensée, sans avoir peur du résultat. »
En Championnat, il y a en effet de quoi avoir la frousse avant d’entrer sur la pelouse, surtout si les chiffres trottent dans les têtes. « On est quand même pros, toute la semaine on prépare un match et, à la fin, c’est toujours la même musique, souffle Agouazi. Le plus dur, c’est quand tu rentres à la maison et que tu regardes les résultats à Jour de foot. » Les autres joueurs de L 1 étudient aussi le classement du samedi soir et ils ont peut-être du mal à ne pas en sourire, parfois. « J’étais devant ma télé quand on a joué à Paris (défaite 3-0), raconte encore Agouazi, et je vois un joueur parisien qui fait cinq ou six jongles alors qu’il n’y a personne devant lui, juste pour faire lever le public… Franchement, ce n’est pas respectueux. »
La situation sportive a si vite été désespérée et Francis De Taddeo, le prédécesseur de Pouliquen, si vite étouffé par le manque de solutions qu’il a utilisé une montagne de joueurs et inlassablement remanié son équipe. En vain. Perdu dans la foule, une pépite quand même, Miralem Pjanic, ce gamin de dix-sept ans venu du Luxembourg auteur d’un but plein de malice et de talent, vendredi à la Meinau. Six mois après ses débuts, il déjà vécu un parfait concentré du pire. « C’est un peu ça, même si on a pas eu beaucoup de chances. Je pense qu’avec un effectif complet en début de saison, les choses auraient été différentes. D’un côté, je suis content d’avoir commencé ; de l’autre, ce n’est pas évident, ça ne se passe pas très bien. Ça fait mal quand on entend parler les gens. »
Tout avait très mal commencé. À vrai dire, c’était déjà mal embarqué avant que ça commence. On passera sur le recrutement raté, pour des raisons financières mais aussi à cause de désaccords internes. Fin juillet, deux éléments moteurs de la remontée, Sébastien Bassong et Julien Cardy, se blessent. C’est le début de la poisse. Quand un joueur sort de l’infirmerie, un autre le remplace invariablement. « Tout ce qui nous arrive, on le mérite, coupe Julien François. Cette qualification comme notre parcours exécrable en Championnat, même s’il y a eu des blessures et un manque de réussite. »
Avant même le début de la saison, les mauvaises nouvelles s’accumulent. Soufflé à plusieurs clubs, dont le Paris-SG, Lubomir Fejsa aurait peut-être été une des révélations de la saison. Précédé d’une réputation de prodige, ce milieu serbe de dix-neuf ans avait signé un contrat de quatre ans avec Metz. Parti disputer le Championnat d’Europe juniors, en Autriche, au mois de juillet, il n’est jamais revenu en Lorraine. Au centre d’un litige juridique entre Metz et son club en Serbie, Hadjuk Kula, le jeune homme aurait été retenu contre son gré, victime de pressions pour prolonger au pays. Le club lorrain a porté l’affaire devant la FIFA mais cela ne l’aidera pas à se maintenir …
Au coeur de l’été, Metz touche ensuite le fond avec l’affaire Trivino. L’ancien gardien de Créteil avait eu, un an plus tôt, la mauvaise idée de se fâcher avec les supporters de Saint-Symphorien avant de signer en Moselle. Leur rancune sera fatale. Titulaire en raison de la blessure de Marichez, il se troue dans les grandes largeurs pour ses débuts à domicile, contre Lille (1-2). Derrière son but, quelques individus l’insultent et lui crachent dessus. Soutenu du bout des lèvres par ses dirigeants et son entraîneur, il sera finalement déclaré persona non grata. Fin août, Marichez a d’ailleurs un nouveau suppléant, l’énigmatique Pierre Ebede, et alors que la période estivale des transferts se termine, Metz s’excite pour renforcer une équipe déjà à la dérive.
Le défenseur nantais Éric Cubilier débarque en compagnie de l’attaquant Emmanuel Effa-Owona (Créteil, N), aujourd’hui au placard. Au milieu de ce manège incohérent, Victor Mendy, recruté en mai au Paris FC (N), repart déjà pour Clermont (L 2). Trivino, lui, s’exile à Boulogne-sur-Mer (L 2). Les quelques supporters messins qui ont contribué à son départ se sentent forts. Le 6 octobre, ils remettent le couvert pour la réception de Strasbourg (1-2). Ulcérés par cette défaite de plus, certains d’entre eux tentent de s’approcher de Molinari dans la corbeille officielle puis bombardent de cailloux Stéphane Cassard, le gardien strasbourgeois. La rencontre est interrompue deux fois et Metz sanctionné d’un match à huis clos avec sursis. Grève des encouragements, tribunes vides, les supporters messins continuent, après cette triste soirée, de manifester leur mécontentement.
Confrontés à une colère qui les vise directement, les dirigeants multiplient les réunions avec les représentants des deux kops, par ailleurs en conflit. Forts de cette reconnaissance, les supporters se multiplient en communiqués grandiloquents. Dans l’un d’entre eux, publié fin janvier, on lit : « Ces sujets (les reproches adressés à la direction) continueront d’être abordés jusqu’à obtenir des avancées notoires lors des prochaines rencontres régulières prévues à cet effet. »
Un autre communiqué fera un peu plus de bruit. La veille du déplacement à Paris, le 22 janvier, le site Internet du club affiche pendant plus d’une heure un message intrigant : « Certains de nos joueurs ont été approchés par des personnes dont nous ne connaissons pas encore leur origine ni leurs intentions en vue du match de mercredi contre le PSG. Une enquête a d’ores et déjà été ouverte auprès du procureur de la République. » Le message est vite relayé dans les talk-shows sportifs des radios nationales etun léger vent de panique s’empare bientôt des rédactions, même si les fautes de français et l’approximation judiciaire laissent vite supposer qu’il s’agit d’un piratage informatique. Prévenu au téléphone, Joël Muller, le directeur sportif, hésite entre colère et dépit. « Dans notre situation… Il y a vraiment des gens qui s’emmerdent. »
Assailli par les difficultés, Carlo Molinari, lui, colmate les brèches comme il peut, pas toujours de façon très adroite. Le président messin apprécie De Taddeo, qu’il a fait venir au club vingt ans plus tôt et, dans la tourmente, sa stratégie hésitera entre protection et critiques publiques. Avant le derby contre Nancy, fin octobre, il lâche plusieurs piques à son encontre devant une dizaine de journalistes puis passe le récupérer en voiture à l’entraînement pour le prévenir de ses déclarations, comme s’il les regrettait. Après une énième défaite contre Auxerre (0-1), le 1er décembre, il annonce des « décisions » et convoque la presse. Un coup pour rien : l’état-major décide de ne rien décider, entretenant cette impression d’improvisation permanente.
Trois défaites plus tard, juste avant la trêve, le couperet finit quand même par tomber. Ça y est, Metz a changé d’entraîneur. La cerise sur le gâteau ? Une bonne vieille querelle de vestiaires peut-être. On y a un peu cru après la défaite à Paris, le 23 janvier. Dans les couloirs, Christophe Marichez parle de « tricheurs » et de « comptes à régler ». Le lendemain, Molinari « rentre dans une période de grève ». Les joueurs, eux, parviennent à étouffer leurs différends. « Même si on perd les matches, on rigole encore, assure Malick Diop. Heureusement, sinon, c’est la catastrophe. »
Dans les jours qui viennent et au moins jusqu’aux huitièmes de finale (18 et 19 mars), la Coupe de France aidera encore les Lorrains à porter leur croix. « Il y a des choses plus graves dans la vie que de faire une mauvaise saison, tempère Michel Ettorre. Il y a des gens qui dorment dehors par – 5 °C. » L’ancien gardien, qui a gagné la compétition comme joueur en 1984, dessine un parallèle ambitieux. « Avant Strasbourg, j’ai parlé deux minutes aux joueurs dans le vestiaire. Je voulais qu’ils abordent ça avec la volonté de sauver l’entreprise, je ne dis même pas de gagner un match, comme les ouvriers de Gandrange qui se battent pour leur usine (menacée de fermeture par le groupe Arcelor-Mittal). En 1984, le club était aussi en grande difficulté sportive et financière et les joueurs s’étaient identifiés aux malheurs de la région (touchée par la crise de la sidérurgie). Je ne vais pas jouer les anciens combattants mais j’ai essayé de leur expliquer quel était leur public. On l’a montré du doigt mais c’est un très bon public, qui a souffert et qui vient d’un milieu social difficile. » L’histoire et la sociologie sont appelées au secours, l’amour propre aussi. « Certains veulent jouer en L 1 la saison prochaine et on sait très bien que ce ne sera pas à Metz, assène Pouliquen. Alors, il va falloir qu’ils se montrent. Le mercato est fini et on n’a pas reçu d’offres. Il faut qu’ils y réfléchissent. » « Il reste trois mois et demi à jouer et on ne veut pas passer pour des cons, assure Agouazi. Parce qu’il faut le dire, quand t’as 9 points, tu passes pour un con. » Il ne reste plus qu’à gagner la Coupe de France.

La mission impossible de Metz


Trente-sept points séparent Metz, dernier, de Lyon, premier. Trente-sept points seulement, est-on tenté de souligner, car si Lyon filait à l’allure de ses deux derniers titres, cet écart serait beaucoup plus large. Même après sa victoire contre Valenciennes (2-1), Metz est encore l’un des plus mauvais derniers de l’histoire du Championnat.
Mais 2008 a un peu infléchi ce mauvais bilan (une victoire, deux nuls et trois défaites en L 1) et, après tout, les Lorrains n’ont rien à perdre, vraiment rien, à Gerland. « Il faut le dire, si on prend l’eau personne ne nous en voudra », reconnaît Babacar Gueye. Les accros du jeu auront, par exemple, noté que la cote d’une victoire messine monte à des niveaux rares sur les sites de paris en ligne. « Les gens qui connaissent le foot ne nous donnent pas 1 % de chances, poursuit l’attaquant messin, mais je pense qu’on en a une. »
Comment y croire ? Pas en se rappelant la débâcle de l’aller (1-5), mais peut-être en observant que Metz est plus libéré à l’extérieur ou qu’il vient d’encaisser une défaite sévère, mais sans avoir démérité à Bordeaux (0-3).

L’exemple de Croix de Savoie

« C’est dur d’étalonner un pourcentage (de chances de gagner), commente le capitaine, Christophe Marichez. Ils seront peut-être un peu émoussés après Manchester. Nous, bien sûr, nous y allons sans la moindre pression. Si on arrive à les faire douter, ne serait-ce qu’une mi-temps, le pourcentage va aller en grandissant. » « Il faut aussi arrêter de nous dévaloriser et, à chaque fois, de voir le pire, plaide Julien François. Il n’y a pas de statistique à faire, il y a un match à jouer, à onze contre onze. Bien sûr que, si on s’arrête sur les chiffres, on n’a pas beaucoup de chances de gagner mais ça se passera dans les têtes. »
Déjà annoncés en L 2, les Lorrains peuvent envisager ce déplacement chez le leader comme un match de Coupe de France. « On peut, pourquoi pas, faire jeu égal et les perturber sur 90 minutes, veut croire Yvon Pouliquen. Croix de Savoie a su le faire en Coupe de France (0-1), pourquoi pas Metz ? Il n’y a pas de mission impossible, le football est ainsi fait. » Pour les joueurs messins qui espèrent rejouer en L 1 la saison prochaine, Gerland est aussi un très bel endroit pour se montrer. « À Paris (0-3), on a raté le coche, poursuit l’entraîneur. Je leur avais dit que c’était le match idéal pour faire parler de soi, à la fois sur le plan individuel et collectif. Alors, on a fait parler de nous, mais pas dans le sens où je l’espérais... C’est une deuxième chance. »