Le micmac Gignac
Annoncé à Lille, l’attaquant lorientais devrait bientôt jouer à Toulouse si la Ligue ne le suspend pas.Poussé par la spirale du succès (*),
André-Pierre Gignac pourrait bien poursuivre sa progression en découvrant la Ligue des champions avec Toulouse. Celui que l’on surnomme
« Dédé » n’est pas, non plus, à l’abri d’un gadin. Hier, Lille a renoncé à sa venue mais les dirigeants nordistes, particulièrement irrités par sa volte-face, comptent obtenir réparation devant les juridictions sportives ou civiles. La commission juridique de la Ligue, qui va décortiquer son transfert, pourrait le suspendre si elle estime qu’il a signé avec les deux clubs.
Désireux de ne pas amoindrir leur potentiel offensif, et forts d’un contrat courant jusqu’en juin 2009, les décideurs lorientais l’ont d’abord déclaré intransférable. Mais leurs homologues lillois, qui s’étaient penchés sur le cas
Gignac avant la fin de la saison dernière, sont parvenus à les faire changer d’avis. Jeudi dernier,
« Dédé » a signé un contrat avec le LOSC, suspendu à l’accord du FC Lorient. Lequel est intervenu le lendemain, moyennant 4,5 millions d’euros.
Les Nordistes pensaient être parvenus à leurs fins. C’était sans compter sur le revirement de
Gignac qui, le lendemain, se mettait d’accord avec Toulouse. Lundi,
Hugues Henry, le directeur général toulousain, s’est rendu à Lorient. En présence du joueur, de son père mais aussi de son agent et du père de son agent, il a longuement échangé avec
Roland Bourse et
Jean-Paul Dufau, respectivement responsable du recrutement et directeur général de Lorient.
À 20 h 37, après la signature de l’avis de mutation définitive, Toulouse annonçait officiellement la signature pour quatre ans de
Gignac.
« Les papiers de Lille n’étaient pas bons, certifie
Jean-Pierre Gignac, le père du joueur.
Tout le monde dit n’importe quoi. On assassine le petit. Peuchère, il n’a pourtant rien fait. Ce qu’il a signé, c’est seulement un protocole d’accord disant que Lille était d’accord avec ce que ses agents demandaient. Il n’a pas signé de contrat. » En l’espace de quarante-huit heures,
Gignac a quand même dit oui à Lille et à Toulouse. Reste à savoir si le oui lillois comptait ou non pour du beurre.
Après avoir dragué
Chamakh, le Téfécé a tenté de renforcer son attaque en faisant parvenir à Saint-Étienne, il y a une semaine, une offre de 6M€ pour
Gomis.
Olivier Sadran a assuré, lundi, qu’il avait approché
Gignac il y a une quinzaine de jours, tandis qu’
Élie Baup assurait que le Lorientais était sa priorité. Samedi, le président toulousain a fermement conseillé à
Gignac de ne pas s’étendre sur les documents qu’il avait signés en faveur de Lille.
Pour
Hugues Henry, aucun doute n’est permis :
Gignac « est Toulousain, il jouera à Toulouse la saison prochaine ». Le dirigeant du Téfécé assure avoir respecté les procédures définies par la Ligue :
« La LFP est équipée d’un système informatique (l’intranet Isyfoot) auquel sont reliés tous les clubs. C’est le seul et unique canal pour valider les contrats et les mutations. S’il y avait déjà eu dans le système des documents officiels émanant de Lille, le système aurait rejeté notre demande. Lorient a débloqué l’avis de mutation, Gignac a signé un contrat en bonne et due forme, qui a été rentré dans le système. Je ne sais pas ce que Lille a fait, ça ne me regarde pas. Mais Toulouse n’a rien à se reprocher. »Lille a jeté l’éponge hier. Les dirigeants du LOSC avaient proposé à
Gignac un salaire mensuel approchant les 50 000 euros sur quatre ans. Toulouse lui a offert le double, plus une prime à la signature appétissante pour le faire changer d’avis. Ce que le club nordiste n’admet pas, c’est que Toulouse ait négocié avec
Gignac samedi, alors qu’il était tombé d’accord avec lui la veille.
« Je fais une croix sur le joueur, nous a indiqué
Michel Seydoux, hier soir.
Je ne suis pas Zorro. Toulouse a fait sa loi et je ne vais pas me battre contre des gens qui ne veulent pas venir chez nous. Je n’ai pas dit que j’avais un contrat homologué par la Ligue, j’ai dit que j’avais un accord signé par le joueur et un accord signé par son club. Je trouve que ce genre de situation n’améliore pas l’image du foot français. J’ai pour ma part toujours respecté des règles d’éthique et je trouve inadmissible que des gens qui siègent au bureau de la Ligue (Sadran) cautionnent ce genre de pratique. Des règles ont été bafouées et nous étudierons tous les recours possibles dans cette affaire. Ce que fait Gignac aujourd’hui ne m’intéresse pas. »Claude Puel, de son côté, ne s’est pas étendu sur le sujet, sinon pour parler de
« comportement cavalier ». Il a annoncé l’arrivée de deux ou trois nouveaux joueurs, parmi lesquels vraisemblablement un attaquant pour compenser le recrutement manqué de
Gignac.
Vendredi, les dirigeants lorientais, qui venaient de trouver un accord avec Lille, sont tombés des nues en apprenant que
Gignac souhaitait s’engager avec Toulouse.
« Nous n’avions pas à prendre parti, explique
Rolland Bourse.
Effectivement, un document avec Lille était en train de se réaliser. Mais il n’était pas finalisé. Ce devait être le cas lundi matin, mais comme le joueur a changé d’avis, on s’est retrouvé dans une impasse. Les retards et les impondérables ne sont pas de notre fait. Nous, on voulait que tout se passe bien. »Lundi, le ton est pourtant monté dans les bureaux du club morbihannais. À Lorient, un bruit sordide a couru : comme les négociations traînaient, une pression malsaine aurait été mise sur les dirigeants lorientais pour boucler le transfert.
« Nous n’avons pas signé vite, car on voulait être certain de n’avoir aucun problème avec Lille, explique
Bourse.
Après, les gens peuvent être plus ou moins stressés. Je ne veux pas faire plus de commentaires. » « On n’est pas rentré dans les bureaux comme des sauvages, jure
Jean-Pierre Gignac.
Au contraire, tout s’est bien passé. Une fois que nous avons signé, c’est vrai, les agents sont entrés pour discuter avec les Lorientais de leur commission. Mais ça n’est pas allé bien loin. »Cet après-midi, la commission juridique de la Ligue se réunit. Elle ne se prononcera sur le cas
Gignac qu’à partir du moment où elle sera en possession de tous les documents émanant de Lille et de Toulouse. À la Ligue, on estime plus vraisemblable que ce dossier sera étudié dans deux semaines, lors de la prochaine réunion de la commission juridique. Lille ayant renoncé à
Gignac, on voit mal pourquoi son transfert vers Toulouse ne serait pas homologué. Rien ne dit, cependant, que
« Dédé » portera rapidement le maillot violet. Les règlements de la Ligue prévoient en effet
« une suspension pouvant atteindre cinq ans fermes » pour un joueur qui
« a signé un contrat avec des clubs différents ».
(*) Le 20 septembre dernier, Domenech a déclaré, à propos de Gignac : « Quand on est entraîneur, on se dit : “Tiens, celui-là, il est à suivre parce qu’il peut se passer quelque chose”, donc je vais le suivre. »Source : L'Equipe Papier