André Ayew : "On ira à la guerre ensemble"Ayew : "J'aurais pu partir cet été" par lephoceenLe milieu de terrain de l'OM se livre sans concession avant le déplacement à Valenciennes. Entretien.
Sourire XXL sur le visage, démarche chaloupée, l'international ghanéen profite à fond du début de saison tonitruant de l'OM. Désormais totalement remis de son opération à l'épaule,
André Ayew aurait pourtant pu quitter Marseille après le départ de
Didier Deschamps. Mais il a préféré embrasser le défi olympien, mené tambour battant par
Élie Baup. Dans cet entretien, le fils d'
Abedi Pelé, très discret ces derniers temps dans la presse, revient en longueur sur l'intersaison animée du club marseillais, son parcours personnel, la progression de
Jordan, son frère cadet, et l'éclosion des jeunes du centre de formation. Et décrypte la nouvelle solidarité qui anime l'OM.
Dédé, euh, tout va bien...André Ayew : Il ne faut pas se voiler la face. Aujourd'hui, ça se passe bien, le groupe vit bien et on rigole tous ensemble ; il faut continuer comme ça.
C'est rassurant par rapport à la saison dernière...A.A. : Oui, mais ça reste très fragile. Il ne faut pas s'enflammer. Tout va très vite : là, on nous met tout en haut car on a six victoires ; mais il suffit de deux défaites pour qu'on nous fasse redescendre tout en bas... Encore plus à Marseille. Il faut savoir se modérer et prendre les choses dans les deux sens, pas seulement savourer le bon côté des choses.
Vous préférez tout de même cette sérénité autour de vous, non ?A.A. : C'est mieux de travailler dans cette situation que dans des conditions de stress intense. Je l'ai connu l'an dernier ; dans un sens, c'est bien car c'est une bonne expérience et ça permet de grandir. Mais on peut vite retomber dans ces travers si on ne fait pas le nécessaire. On sait ce qu'il ne faut pas faire pour en arriver là. On va tout faire pour garder cette unité et cet équilibre.
Pensez-vous au moment où ça ira moins bien ?A.A. : On sait qu'il y aura un coup de mou. Et c'est là qu'on verra si on est une grande équipe. Un trou d'air peut durer un match, une semaine, un mois ou deux... Mais on n'est pas encore là. De toute façon, je pense qu'on a assez grandi dans ce domaine. On restera uni et solidaire dans la difficulté, j'en suis sûr. Et puis, s'il n'y a pas de moments difficiles, on prend aussi ! (rires)
Comment expliquez-vous cette nouvelle solidarité ?A.A. : On ne peut pas dire qu'on ne l'avait pas. On est allé en quarts de finale de Ligue des champions et on a gagné une coupe de la Ligue, il y avait donc quelque chose. Mais ce n'était pas de cette manière.
Jérémy Morel en parlait cette semaine. Il a dit que vous aviez discuté pour régler les problèmes défensifs sur le côté gauche...A.A. : Avec Jérémy, on savait qu'on serait titulaires à nos postes cette saison. Et on a tout fait pour que ça se passe bien. On a pris le temps de discuter. On se connaissait déjà à Lorient, mais il nous manquait encore des automatismes. Certainement à cause de la parole. Là, on s'entend mieux sur le terrain et en dehors, ça se ressent.
Comment cela se manifeste-t-il ?A.A. : On est très soudés. Cette unité se reflète dans un domaine précis : dans une équipe, tout le monde veut être décisif ; mais aujourd'hui, et j'espère que ça va durer, on n'y pense plus trop. C'est dû en partie aux médias, car on a l'habitude de mettre en lumière celui qui marque sans penser au travail collectif qui est fourni. On en fait tout un flan, alors qu'on oublie le boulot des défenseurs, des milieux... Dans le vestiaire, ça gêne. Ou, du moins, ça a gêné l'année dernière. Ce n'est plus le cas : là, on donne la balle à celui qui est le mieux placé.
Comme avec Valbuena ? Cette saison, vous jouez ensemble...A.A. : C'est ce que je dis. C'est un ensemble. Aujourd'hui, on parle des passes de Mathieu et d'Amalfitano, des efforts de Gignac, de mon travail défensif, des performances de Kaboré ou Cheyrou... Tout ça fait que c'est plus facile pour tout le monde.
Ce n'est donc qu'une question d'ego...A.A. : (Il coupe) C'est normal. Quand on est à l'OM, c'est qu'on est un grand joueur. On réussit à faire abstraction de tout ce qui se dit autour. On sait qu'il n'y a pas qu'un ou deux joueurs qui font l'équipe, mais c'est un ensemble. Demain ça peut être moi, après toi, ensuite l'autre, etc... Et c'est ce qui nous fera avancer. Une personne ne peut pas tout faire ; on est en train de le toucher du doigt en ce moment.
Comment avez-vous vécu l'intersaison ? Vous qui étiez étiqueté "Deschamps"...A.A. : Ah, l'étiquette "Didier". Quand je suis revenu à l'OM après mon prêt à Lorient, je n'étais pas considéré comme un joueur de Marseille. Le club voulait me vendre, on m'a presque jeté à l'époque. Personne n'est venu me le dire ; c'est Michel Chatron (l'intendant, ndlr) qui m'a dit que je descendais en CFA . J'avais 18 ans, je venais de faire une vingtaine de matches avec Lorient... et c'était la première année de Deschamps. Donc... Après je suis parti en prêt à Arles-Avignon et toute la saison a été magique, la meilleure année de ma carrière. À mon retour à Marseille, il fallait faire un choix : soit honorer mon année de contrat, soit être transféré... Le club a montré qu'il voulait que je reste, que ce soit le coach ou les dirigeants, qui ne voulaient pas de moi un an auparavant. Ça m'a touché. Je voulais à tout prix réussir à Marseille. Depuis toujours. Avec ma famille, j'ai pris la décision de rester.
Quel a été le rôle de vos proches ?A.A. : Justement. Mon père et Étienne Mendy (son agent, ndlr) m'ont beaucoup conseillé à cette période, je ne les remercierai jamais assez. Car à cette époque, je voulais vraiment partir, quitte à signer dans un club moins huppé. J'étais content d'avoir fait ma formation, mais je ne voulais plus rien savoir. Ils m'ont dit que je ne pouvais pas enterrer mes convictions à la moindre difficulté, ils m'ont fait comprendre que la vie était faite comme ça. Quand tu as un défi en tête, donne-toi les moyens de le réussir. Mon père m'a donné son exemple : quand il est arrivé à Marseille, il a été dégagé au bout de six mois à Lille. Deux ans après, il est revenu et ça a marché. Donc j'ai fait le dos rond, même si c'était difficile pour moi...
On a commencé par "l'étiquette Deschamps"...A.A. : Si je vous explique tout ça, c'est pour montrer que les choses peuvent changer dans la vie. On apprend à connaître les gens, à vivre avec certaines personnes. Après tout ça, je suis revenu... Ce n'était pas facile, j'ai fait ma place petit à petit. Je m'entendais bien avec Didier, je ne peux pas le nier. Il m'a fait progresser, j'ai fait deux années pleines avec lui et j'ai gagné des trophées. Il est parti cet été. Pour certains, c'était bizarre ; pour d'autres, c'était mieux. Il fallait qu'une décision soit prise pour le bien du club, des supporters. Je la respecte et, aujourd'hui, on adhère tous au nouveau projet et au discours du nouveau coach. Je n'ai jamais eu de souci. Et puis je m'entends bien avec José (Anigo) aussi, c'est lui qui m'a fait signer pro avec Pape Diouf.
Quel regard portez-vous sur les débuts d'Élie Baup ?A.A. : Il a été très critiqué à son arrivée, les gens disaient qu'il n'avait plus entraîné depuis trois ans, et bla-bla-bla... (sic) Là, avec ce début de saison, il prouve sa qualité à beaucoup de gens. Il a beaucoup d'envie, de détermination et nous transmet tout ça. On l'avait déjà, mais il nous pousse davantage. On va aller à la guerre ensemble jusqu'au bout.
Comment jugez-vous l'évolution de votre frère cadet Jordan ?A.A. : C'est parfait, il grandit, il travaille bien et il progresse. Il ne faut pas oublier qu'il est encore très jeune, il a fêté 21 ans le mois dernier. Chaque année, ses stats augmentent ; on verra cette saison s'il fait mieux.
Et son côté soupe au lait...A.A. : C'est son caractère. Il ne va pas se lever un matin et sourire parce que tout le monde attend ça de lui. Ça ne veut pas dire qu'il est énervé ou qu'il n'est pas content. Il est comme ça. Après, on dit beaucoup de choses sur lui, mais je peux vous assurer qu'il parle à tout le monde dans le vestiaire. Les gens attendent beaucoup, mais il a une forte exigence envers lui-même. Si on le critique au niveau foot, il doit se taire et avancer ; mais on le critique surtout sur des "on-dit"... C'est un peu lourd à force. Mais il a été costaud, je tiens à le féliciter.
Vous êtes vraiment le grand frère de tous ces minots...A.A. : J'ai des rapports variés, mais différents avec tous les jeunes du centre de formation. Je n'ai pas eu la chance de m'appuyer sur quelqu'un quand je suis arrivé. C'est dur quand il n'y a personne pour t'aider, te parler. Tu es là, sans plus. J'ai connu ça, comme Daouda Mbow. C'est pour cela qu'on essaie au maximum de les aider. Tant qu'un jeune travaille, il faut toujours être là pour lui. Quelqu'un comme Rafidine (Abdullah) qui vient de Marseille, ce n'est que du plaisir : il est à l'écoute, respectueux. On ne peut que l'aider.
Comment expliquez-vous le retour de la ferveur des supporters ?A.A. : On a été touché l'an dernier. L'OM reste un club à part. À Paris, tu trouves des supporters de l'OM ; ce n'est pas à Marseille que tu trouveras des fans du PSG ! Ça veut tout dire. Sentir les supporters derrière nous est important. Contre Évian, par exemple, on était un peu plus en difficulté, mais on les a sentis pousser. Et ça, tu ne peux pas l'acheter ! On donnera toujours tout : d'abord pour le club, mais aussi pour les supporters.
:La Provence: