Bordeaux peut-il stopper le roi Lyon ?

LYON VA-T-IL CRAQUER ?

L’olympique Lyonnais vient de prendre un point en deux journées. À son échelle, c’est presque une série. À cinq journées de la fin du Championnat de France de Ligue 1, avec trois déplacements à son programme, Lyon a vu Bordeaux se rapprocher à quatre longueurs : les mêmes qui annonçaient depuis longtemps que l’affaire était réglée, c’est-à-dire nous, aussi, comme les autres, commencent à porter un regard différent sur le sprint à venir.
Incroyablement fragilisé par la blessure d’un joueur, Jérémy Toulalan, qui défendait pour deux, voire pour trois, Lyon a perdu à Marseille (1-3) avant d’être rejoint par Rennes (1-1), à Gerland, dans le temps additionnel. Ni les Lyonnais eux-mêmes, ni la Ligue 1 n’avaient l’habitude d’un suspense aussi étiré dans le temps. En général, à ce stade de la saison, l’OL se demande surtout de quelle manière il va fêter son sacre et commence à réserver son séjour à Saint-Tropez, entre l’avant-dernière et la dernière journée du Championnat.
Hier, sur RMC Info, Alain Perrin a reconnu : « On pensait être un peu tranquilles, et on n’est pas si tranquilles que ça. On est attendus partout, et il faut arriver à jouer sur notre valeur. Si on joue en dedans de notre valeur, il est évident qu’on sera en danger. Quand on a eu neuf points d’avance, tout le monde a pensé et dit que c’était plié. Aujourd’hui, chacun doit être un peu plus à son niveau. »

Cavenaghi a repris son rythme

S’ils ont un peu de mémoire, c’est-à-dire s’ils fouillent dans des souvenirs remontant à plus de trois ans, les Lyonnais se souviendront sûrement qu’ils ont déjà eu des adversaires au printemps. Mais la nature du sprint était alors différente. Lyon apparaissait aux yeux de tous comme un prédateur. Aujourd’hui, il devient une proie.
Pour que les Lyonnais soient rejoints, selon une déflagration qui rappellerait le grand bouleversement du printemps 1996, lorsque le PSG avait abandonné le titre à l’AJ Auxerre, il faudra que les deux conditions indispensables à semblable renversement, les difficultés de Lyon et les conquêtes au sprint de Bordeaux, continuent de se superposer.
On peut toujours envisager que les Bordelais soient soudain saisis par la peur de gagner qui étreint parfois les outsiders au moment décisif. Mais le ballon, ces derniers temps, semble plutôt rouler pour eux, et Cavenaghi, après une panne d’au moins quelques jours, a repris son rythme. Les Lyonnais, eux, sont toujours maîtres du jeu avec leurs quatre points d’avance, alors qu’il en reste un maximum de quinze à distribuer. Mais Alain Perrin a toujours considéré que le titre serait gagné à 76 points, ce qui obligerait Lyon à trois victoires, ou deux victoires et deux nuls en cinq journées. En regard de l’opposition – Lyon jouera son match le plus difficile à domicile face à Nancy –, c’est un challenge à la mesure des sextuples champions de France.
Mais ce qui est nouveau, et ce qui ne peut pas faire de mal à l’image ni à l’intérêt du Championnat de France de la Ligue 1, c’est qu’il existe, cette fois, un suspense qui ne serait pas artificiellement entretenu. Naturellement, si Lyon gagne à Strasbourg, samedi soir, et que Bordeaux ne s’impose pas dans le même temps, le lendemain, à Toulouse, on s’empressera d’écrire que tout est comme d’habitude. Mais au coeur du règne lyonnais des années 2000, ces jours d’incertitude sont un événement.


FLAVIO ROMA, le gardien de Monaco rattrapé par Lyon en 2003-2004, pense que l’OL va remporter un septième titre de champion.

« Lyon va tenir »

– Le retour de Bordeaux derrière Lyon ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ?
– Si bien sûr. En 2003-2004 on avait, nous aussi, fait le trou à mi-Championnat avant de se faire rattraper par Lyon et même dépasser in extremis. Aujourd’hui j’éprouve encore plein de regrets. Tout le monde me dit toujours : “Quelle saison !” O.K., on avait fait un gros truc avec une troisième place en Championnat (Paris était aussi passé devant l’ASM en fin de saison), une finale de Ligue des champions. Mais on n’avait rien gagné. Or je préfère les trophées aux souvenirs. Lyon n’en est pas encore là.

– Quelles différences y a-t-il ?
– Cette année-là, il y avait eu cette formidable aventure en Ligue des champions. Des rendez-vous prestigieux contre le Real Madrid ou Chelsea, sans parler de la finale, qui nous avaient pompé beaucoup d’énergie. On l’avait payé en Championnat. Pas sur les gros rendez-vous, mais face aux petites équipes. On n’avait pas un groupe suffisant et le coach ne tournait souvent qu’avec une quinzaine de joueurs. Ça nous avait été fatal.

– Lyon vous semble donc à l’abri d’une telle mésaventure ?
– Bordeaux est une équipe très forte et je ne dis pas ça seulement parce qu’elle nous a mis 6-0. Mais Lyon a beaucoup d’arguments. Un effectif conséquent, une expérience indéniable, un talent évident. Ils ont eu un coup de moins bien, mais ils ont les capacités mentales, physiques et techniques pour aller au bout. À mon avis, ils vont trouver la solution et ils vont tenir.


« Il ne faut pas paniquer »

JEAN-ALAIN BOUMSONG mesure le danger girondin. Mais il voit Lyon champion, bien sûr !

« Entre nous, on essaie de ne pas y penser. Il ne s’agit pas d’être inquiets. Mais on est conscients que ça peut arriver si on ne gagne pas nos matches. Personne n’est infaillible. Et c’est d’ailleurs ce qui fait la beauté du sport. Je sais bien qu’on a encore 4 points d’avance et la différence de buts en notre faveur. Mais on vient de perdre 5 points en deux journées sur Bordeaux. Ce qui prouve que l’on ne peut pas se réfugier derrière notre avance actuelle ni sur nos acquis. Ainsi, dès samedi à Strasbourg, un match nul ne serait pas forcément une bonne affaire. Plus que jamais, on ira donc en Alsace pour gagner. La seule chose qui importe, c’est de prendre les 3 points. Et, à la limite, peu importe la manière.
On ne va pas non plus s’amuser à faire des calculs de probabilité pour évaluer les chances et les risques des uns et des autres. Moi, je dis que Lyon sera champion. Mais on sait aussi qu’on ne joue pas très bien en ce moment. On laisse des points, et nos victoires sont laborieuses. Il faut donc vite retrouver notre rythme de croisière, jouer, retrouver du plaisir, avoir la sérénité et l’harmonie qui sont la marque de fabrique des grands clubs. Et Lyon en est un. En tout cas, il ne faut pas paniquer, d’autant qu’on est toujours en course pour un doublé inédit. À l’arrivée, on s’aperçoit que le Championnat est serré. Et je pense sincèrement que le prochain le sera plus encore ! »


« Ils gardent les cartes en main »

ULRICH RAMÉ, le capitaine de Bordeaux, estime que seul Lyon pourrait faire craquer Lyon.

« L’écart séparant Lyon de nous peut diminuer. Mais je ne pense pas qu’ils puissent craquer. Ils ont l’expérience de ces grands matches et de cette pression de fin de saison. En plus, les Lyonnais ont récupéré Benzema. Ils vont aussi bientôt pouvoir compter de nouveau sur Toulalan. D’autres joueurs ont également pris de l’importance. Je pense notamment à Keita et à Bodmer. Ils ont envie de réussir leur fin de saison.
Après, c’est vrai qu’on les sent moins sûrs de leur fait. Mais il ne faut pas oublier que leur saison s’est trouvée entachée de blessures. Si elles ont perturbé leur cohésion, cela a permis à d’autres joueurs de tirer leur épingle du jeu. Cela montre bien que Lyon reste une équipe performante, tant individuellement que collectivement. Pour qu’ils craquent, il faudrait que les Lyonnais se trouvent à l’origine de leur propre perte.
Enrésumé, le principal danger de Lyon, c’est Lyon. Il ne faut pas oublier qu’ils gardent les cartes en main. S’il restait dix journées de Championnat, ce serait différent. Mais là, nous sommes entrés dans la dernière ligne droite.
Et Lyon joue encore sur deux tableaux. Il peut réussir le premier doublé de son histoire, Coupe de France-Championnat. La Coupe va assurément leur donner une motivation supplémentaire. L’entraîneur, les dirigeants et les joueurs cadres vont jouer là-dessus. Cela leur offrirait un plus par rapport à leurs six précédents titres. »

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